Lourdement lestées du poids d'un passé commun des plus dramatiques, les relations algéro-françaises peinent à s'en affranchir pour acquérir une quelconque normalité. Depuis l'indépendance de l'Algérie, arrachée au prix d'un immense sacrifice, Algériens et Français ont du mal à construire un “partenariat d'exception” tant galvaudé pourtant de part et d'autre. Et comme dans un mouvement de balançoire, les brouilles succèdent aux périodes de fugace réchauffement au gré des circonstances. Hubert Colin de Verdière, ex-ambassadeur de France, a loué, en rendant le 6 novembre une visite d'adieu au ministère de la Défense nationale (MDN), les “efforts intenses” accomplis, ces deux dernières années, dans le travail de mémoire tout en appelant à leur poursuite dans “une compréhension réciproque”. Il n'a pas moins reconnu que “ces efforts, comme il est normal, sont difficiles et parfois douloureux”. Tout un aveu. Pourtant, la visite du président Bouteflika à Paris, en juin 2000, et celle de Jacques Chirac à Alger en mars 2003, ont suscité un immense espoir de voir enfin les relations entre les deux pays aller de bon pied. Et l'engagement des deux chefs d'Etat à signer, avant fin 2005, un traité d'amitié a fini par convaincre d'un nouveau départ entre Alger et Paris qui verrait la page de l'incompréhension définitivement tournée. Un rappel : le premier Président d'un pays étranger à saluer la réélection à la présidence de la République, en avril 2004, d'Abdelaziz Bouteflika n'est autre que Jacques Chirac. Un geste politique fort éloquent qui se matérialisera, quelques mois plus tard en juillet 2004, par des visites à Alger de pas moins de trois ministres français, et non des moindres. Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, et Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie. C'était la lune de miel. Survint alors le vote par le Parlement français, le 23 février 2005, de la loi reconnaissant les effets positifs de la colonisation française. C'était le tollé général à Alger. Le président Bouteflika lui-même qui, à l'occasion de la célébration des massacres du 8 Mai 45, demande à la France des excuses sur les crimes coloniaux commis en Algérie. L'échec cuisant du déplacement algérois, avril 2006, du ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, finira par signer la fin d'une idylle et étouffer dans l'œuf l'espoir de voir le traité d'amitié signé. C'est alors le blocage au niveau politique. La signature d'un accord de défense évoquée en 2004 à la veille de la visite de Mme Alliot-Marie restera un vœu pieux. L'allégement des procédures humiliantes pour les Algériens pour l'obtention du visa pour se rendre en France tant revendiqué par les Algériens est resté également sans écho. Pendant ce temps, Américains, Russes et Chinois décrochent de gros contrats de réalisation de projets d'infrastructures. Pour ne citer que les Russes, ils ont signé un contrat d'armement de l'ordre de 7 milliards de dollars. Effrayés peut-être par la perspective de voir perdre définitivement pied dans un marché algérien, considéré à tort ou à raison comme chasse gardée, et convenant certainement de l'impossibilité de mener à bon port les chantiers politiques ouverts, mais toujours en chantier, les Français se sont alors appliqués à consolider leur position quoique la France ait été classée, en 2005, premier investisseur, hors hydrocarbures, en Algérie. Aussi voit-on arriver à Alger le ministre français délégué à l'Industrie en mai 2006, et Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur quoique nombre de leurs collègues en charge de portefeuilles économiques les aient devancés. Pour sa part, la Coface a revu à la baisse, en octobre 2006, le risque Algérie. Tout un message qui trahit un état d'esprit. A. C.