Depuis son accession à l'indépendance, en juillet 1962, l'Algérie n'a eu de cesse de s'affranchir économiquement de l'ex-puissance colonisatrice en diversifiant ses partenariats avec d'autres Etats. L'affaire du diplomate Hasseni et plus récemment celle de l'assassinat des moines de Tibhirine ont remis sur le tapis la question de la détérioration des relations franco-algériennes. La brouille entre les deux pays remonte à beaucoup plus loin, et pas à seulement près d'un demi-siècle. Elle est avant tout historique et puise ses origines dans une colonisation basée sur un système de domination et d'expropriation féroces qui a duré 132 ans. Le divorce, pour le moins que l'on puisse dire, n'a pas eu lieu à l'amiable. C'est contrainte et forcée, après une guerre de Libération menée sans répit durant plus de sept ans que la quatrième puissance militaire de la planète a dû plier bagage de l'ensemble du territoire algérien. Depuis, le couple Algérie-France a évolué au rythme des «Je t'aime moi non plus». Le 24 Février 1971, date de la décision de la nationalisation des hydrocarbures par le président défunt Houari Boumediene, allait définitivement enterrer l'accord du 29 juillet 1965 portant sur les hydrocarbures et qui faisait la part belle à la France quant à l'exploitation du sous-sol algérien. Le virage de 1985 Cet événement, que l'on peut considérer comme historique, n'allait toutefois s'avérer qu'un petit grain de sable par rapport à ce qui attendait les futures relations entre les deux Etats. Le 3 janvier 1983 fut vécu comme un des moments les plus forts de la coopération algéro-française lorsque a été signé le fameux contrat qui allait mettre fin à un conflit gazier qui commençait à dépasser le strict cadre commercial. La France venait d'accepter de payer le prix du mètre cube de gaz algérien au prix fort. Plus cher que le prix moyen affiché sur le marché. Toutefois, la fin de l'état de grâce conduisit la France à penser dès 1985 à la renégociation de cet accord privilégié. C'est à la droite, à Jacques Chirac, Premier ministre de la première cohabitation sous la présidence de François Mitterrand qui revint au pouvoir en 1986, qu'a échu la tâche. Le diplomate et les moines La lune de miel annoncée allait prendre fin. Les relations se crispèrent davantage avec le lourd dossier de l'immigration. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, qui en fit sa priorité, allait donner un sérieux tour de vis aux conditions d'entrée et de séjour en France, en particulier pour les Algériens. Dans la foulée, survint la tragédie nationale et les sombres et dramatiques années du terrorisme. La position de l'Etat français pendant cette période a consisté à surtout déconseiller la destination Algérie et à entraîner la frilosité des entreprises françaises à investir dans un pays qui était considéré comme leur pré carré dans la région du Maghreb. La brèche fut ouverte notamment aux Italiens qui ont eu le courage de rester malgré tous les risques encourus, mais aussi à certains pays émergents à l'instar de la Chine dont le savoir-faire de ses techniciens est devenu incontes-table. L'entreprise Citic-Crcc a arraché un marché estimé à 6 milliards de dollars dans le cadre de la réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Cependant, les affaires restent les affaires. Malgré toutes les turbulences qui ont jalonné la si particulière coopération entre les deux nations, l'Algérie demeure le premier partenaire commercial de la France sur le continent africain. Le montant des échanges commerciaux a presque doublé en l'espace d'une décennie. De 8 milliards d'euros en 2005, il est passé à près de 10 milliards d'euros en 2008. «L'Algérie représente un marché stratégique pour les entreprises françaises car il constitue le premier débouché vers l'Afrique» a déclaré Marc Bouteiller, chef de la mission économique française en Algérie, lors d'une rencontre organisée à Paris au mois de février 2009 par le Réseau des étudiants algériens diplômés des grandes écoles de France, le Reage. Comme on peut le constater, ni l'affaire du diplomate Hasseni ni celle de l'assassinat des moines de Tibhirine et encore moins la loi du 23 février 2005 qui glorifie l'action de la France coloniale en Algérie, n'ont sérieusement perturbé le climat du partenariat économique entre les deux pays. Le marché algérien qui reste à conquérir offre des opportunités et des garanties financières attestées. Cela ne se fera pas à n'importe quel prix. La France doit désormais faire face à des concurrents redoutables.