Le ministre de l'Energie a démenti l'information selon laquelle la compagnie américaine Anadarko veut se retirer de l'Algérie, suite à l'adoption des amendements à la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Le ministre de l'énergie et des Mines, M. Chakib Khelil, a rompu hier son mutisme sur l'affaire BRC. Cette compagnie algéro-américaine serait soupçonnée d'avoir bénéficié d'une passation de marché irrégulière, non transparente et d'avoir surfacturé ses prestations relatives à la construction des sièges du ministère de l'énergie et des agences Alnaft et ARH ; conclusions d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) selon la presse. Le premier responsable du secteur assure qu'il n'a pas été impliqué dans cette affaire. En effet, interrogé sur sa mise en cause dans cette passation de marché s'il a été convoqué par la justice, il répond : “Je n'ai pas été convoqué par la police. Je n'ai pas eu connaissance du rapport de l'IGF, ni d'ailleurs le P-DG de Sonatrach. Je ne suis donc pas au courant du rapport de l'IGF.” Il défendra par la suite la société BRC. Qui est BRC ? “BRC, c'est une vieille société qui n'a pas été créée par moi-même, ni par le P-DG de Sonatrach. Elle a été créée dans les années 90 par Sonatrach, le centre de recherche nucléaire de Draria et la compagnie américaine Condor dont la participation a été rachetée par la suite par la compagnie américaine Halliburton. Halliburton détient 49 dans Brown and Roots Condor (Algérie), le reste par Sonatrach et ce centre de recherches. Cette société, filiale de Sonatrach, emploie plus de 1 000 ingénieurs. Elle est spécialisée dans l'ingénierie, la construction, l'assemblage. C'est une filiale de Sonatrach. Mais elle est autonome. Elle a travaillé pour des projets du ministère de la défense, Sonatrach et diverses sociétés. BRC Algérie a construit des bâtiments, des hôpitaux, des unités de traitement d'hydrocarbures, des gazoducs et oléoducs. Elle a construit les hôpitaux militaires d'Oran et de Constantine. Cette joint-venture relève du ministère de l'énergie et des mines comme d'autres entités. La BNA relève du ministère des finances. Mais on ne dit pas que le ministre des finances doit répondre pour ce que d'autres ont fait (pour le détournement de 11 milliards de milliards de dinars de la BNA). Ce n'est pas le ministre des ressources en eau qui doit répondre pour une telle entreprise du secteur de l'eau”, a-t-il argué, avant de s'interroger : “Pourquoi ce harcèlement à l'encontre du ministère de l'énergie et des mines, à l'encontre de ma personne ? Je me pose cette question.” Acculé sur les surfacturations, il a affirmé qu'il répondra lorsqu'il aura lu “le rapport de l'IGF”. Le ministre de l'énergie a expliqué pourquoi le contrat conclu avec BRC était de gré à gré. “La plupart des contrats de Sonatrach sont de gré à gré. Il y a des centaines de contrats de gré à gré signés. Il y a des situations où l'on peut lancer des appels d'offres. On ne lance pas un appel d'offres pour des pièces pour une opération de maintenance urgente”. 45 milliards de dollars engrangés à fin octobre 2006 Interrogé sur l'information selon laquelle la compagnie américaine Anadarko a décidé de se retirer de l'Algérie, suite aux amendements à la loi sur les hydrocarbures, il a répondu qu'il n'a lu dans aucune coupure de presse internationale une telle intention. Le P-DG d'Anadarko a déclaré, au contraire, que sa compagnie n'avait pas l'intention de déménager : “Si elle nous laisse les actifs, nous avons les capacités de produire. Si la compagnie Anadarko veut vendre ses intérêts dans les gisements à d'autres compagnies, comme cela se fait à travers le monde, Sonatrach a dans ce cas le droit d'exercer son droit de préemption, c'est-à-dire de racheter ces intérêts après analyse de leur rentabilité.” Sonatrach avait exercé son droit de préemption, a-t-il a rappelé, lorsque BP a décidé de vendre à la compagnie française Elf à l'époque sa part de 40% dans le gisement de pétrole de Rhourde El-Baguel. Sonatrach avait repris ces parts pour son propre compte. À noter qu'Anadarko a le pied sur une production estimée à 450 000 barils/jour tirée essentiellement des gisements de pétrole de HBNS et Ourghoud, exploités en association avec Sonatrach. Ses profits qu'elle va transférer sont estimés à 3 milliards de dollars en 2006. Le ministre a souligné à propos des amendements que la décision est souveraine. C'est une loi de l'Etat, de la République. Tous les opérateurs étrangers doivent s'y soumettre. Nouvelle taxe sur les profits : 500 millions de dollars supplémentaires pour l'Algérie en 2006 Par ailleurs, le ministre a indiqué que les recettes tirées des exportations d'hydrocarbures ont atteint 45 milliards de dollars au cours des 10 premiers mois de 2006. Sur la renégociation des contrats suite aux amendements, le ministre a répondu qu'aucun contrat n'avait été signé sous la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Les amendements révisent les contrats signés sous l'ancienne loi, la loi 86-14. Sur la nouvelle taxe sur les profits exceptionnels instituée à la faveur de ces amendements, il a expliqué que ces contrats ont été mal négociés. Ils ont été conclus dans les années 80, au début des années 90. Or à cette époque, les prix du pétrole n'étaient pas au même niveau d'aujourd'hui. Ils tournaient autour de 6,7 dollars, voire 10 dollars. Les négociateurs algériens avaient comme perspective des prix ne dépassant pas 14 dollars. À partir de 2000, on ne pensait pas que la flambée des prix allait durer. Il fallait écrémer cette différence entre 30 et 60 dollars — qu'allaient empocher les compagnies étrangères — ces profits pour le compte de l'Etat. Cette taxe s'applique lorsque les prix du pétrole dépassent 30 dollars le baril. Elle est fixée entre 5 et 50%. Les grands contrats signés ne comportent pas de formule d'écrémage (on leur appliquera un fort pourcentage). Certains contrats comportent cette formule. On leur appliquera dans ce cas un petit pourcentage. Cette taxe, qui serait à la source du mécontentement des compagnies étrangères, va rapporter à l'Etat 1 milliard de dollars supplémentaires annuellement. Elle va rapporter à l'Algérie en 2006, puisqu'elle est applicable depuis août dernier, 1,5 milliard de dollars. Les prix du pétrole pourraient baisser le second trimestre 2007 Sur l'évolution des cours sur les marchés internationaux, Chakib Khelil a affirmé que les prix du brut vont se stabiliser au cours des prochains mois, parce que la plupart des pays membres de l'Opep ont réduit effectivement la production. Toutefois, les signaux du marché indiquent une tendance à la baisse des prix. C'est pourquoi, il n'est pas exclu que l'Opep décide, lors de la réunion de l'organisation prévue en décembre prochain, une nouvelle baisse de production pour soutenir les cours du pétrole. il a averti en ce sens que le second trimestre 2007 augure une baisse de la demande et, partant, une éventuelle chute des cours du pétrole. N. Ryad