Lakhdar Brahimi a averti, lundi à Dubaï, qu'une désintégration de l'Irak conduirait davantage au chaos, notamment dans la région. Intervenant à l'occasion de l'ouverture à Dubaï du “Forum de stratégie arabe”, l'ex-envoyé personnel de Kofi Annan dans de nombreux conflits à travers le monde, et notamment en Irak, après l'invasion de ce pays par les forces de la coalition multinationale sous commandement américain, Lakhdar Brahimi, a vivement fustigé l'action militaire américaine lancée en mars 2003 pour renverser Saddam Hussein. “L'invasion de l'Irak a détruit un Etat et n'a pas construit un Etat”, a affirmé l'ancien chef de la diplomatie algérienne devant un parterre de responsables et d'industriels venus de plusieurs pays pour participer à cette manifestation. Livrant son analyse sur ce qui attend toute la région du Moyen-Orient dans le cas où l'Irak fera l'objet d'un découpage ou versera totalement dans le chaos, Lakhdar Brahimi a déclaré : “Une politique de décentralisation ou une désintégration du pays conduirait davantage de chaos, d'abord en Irak et ensuite dans la région (...) Le secteur de l'énergie en souffrirait particulièrement.” Poursuivant dans le même ordre d'idées, il a ajouté : “Le déclin du pouvoir central à Bagdad pourrait se vérifier dans les contrats pétroliers, que les autorités autonomes au Kurdistan, dans le nord de l'Irak, envisagent de conclure avec des sociétés étrangères malgré l'opposition du gouvernement central.” Les déclarations de Lakhdar Brahimi viennent corroborer celles faites la veille par le secrétaire général de l'organisation des Nations unies, lequel n'avait pas hésité à qualifier la situation prévalant en Irak de “pire que la guerre civile”, qui avait touché le Liban de 1975 à 1990, et que “le gouvernement irakien n'est pas capable de contrôler la violence”. Il faut dire que les affirmations de Lakhdar Brahimi et de Kofi Annan interviennent au moment où la violence a atteint son paroxysme en Irak, avec un nombre de morts dépassant la centaine par jour parfois, avec les découvertes régulières de cadavres. Selon un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, 50 cadavres ont été découverts dans différents quartiers de Bagdad pour la seule journée de lundi, la plupart portait des marques de torture, signature des milices religieuses qui sèment la mort dans la capitale irakienne. La situation sécuritaire s'est dégradée à un tel point que durant le mois d'octobre dernier, l'on a évalué à 120 le nombre de civils qui ont péri chaque jour de mort violente. Du côté des Américains, avec l'annonce de la mort d'une dizaine de leurs soldats dernièrement en Irak, Washington aura perdu depuis mars 2003, date de l'invasion de ce pays, 2 900 militaires. Reste à savoir maintenant quelles mesures prendra George Bush après avoir pris connaissance des recommandations, que rendra publiques aujourd'hui le Groupe d'étude sur l'Irak, une commission indépendante coprésidée par l'ex-secrétaire américain d'Etat, James Baker. K. ABDELKAMEL