Depuis des années, la rue Meissonnier, à Alger, puis toutes les ruelles et placettes adjacentes, étaient concédées au commerce informel. Ces dernières semaines, quelques initiatives tendent à exprimer la volonté officielle de voir l'ordre réinvestir la voie publique, dans la capitale notamment. “De quel droit, s'interrogeait le procureur général de la cour d'Alger dans un récent entretien, un commerçant ou un quelconque citoyen peut-il s'approprier le trottoir, un espace public qui appartient à la collectivité, en dressant des obstacles pour que personne ne stationne devant sa porte ?” Avant d'ajouter : “C'est le cas aussi des marchés informels qui ne doivent plus exister de par leur illégalité.” C'est sans compter sur l'œuvre corrosive du populisme des instances élues. On se souvient de l'érosion de la base communale de l'Etat accomplie par l'ex-FIS durant son règne sur les collectivités locales. Si l'empire des islamiste a tourné court, ses effets et sa culture perdurent. Des espaces publics tronçonnés et livrés à la clientèle idéologique et électorale, des locaux de fortune montés en bazars communaux, les chaussées et trottoirs abandonnés aux camelots… La démarche n'a pas changé et l'esprit de la réconciliation a aggravé la dérive clochardisation des quartiers et des villages. La mairie de Sidi-M'hamed vient d'illustrer cette approche autonomiste et sournoise par ce qu'elle a de subversif et de dévié. L'APC n'a pas fait opposition franche à la décision d'assainir l'espace Meissonnier ; elle a opté pour une réaction déviée en lançant une “enquête de commodo et incommodo” pour la mise en place d'un “marché parisien” (qui ne dure donc que la matinée). Et ce sont souvent les jeunes marchands préalablement évacués qui sollicitent les avis des habitants du quartier. Ceux-ci ont le choix d'appuyer ce qui est en réalité une pétition pour réoccuper les lieux ou de refuser et de se mettre à dos une corporation dont la vigueur est plus que convaincante. Etonnant procédé qui met face à face “une force de vente” illicite appuyée par une partie des commerçants légaux intéressés par la location de leurs seuils (parce que cela se loue !) et des citoyens qui doivent se décider dans un climat d'intimidation plus ou moins manifeste. Le procédé de l'enquête de commodo et incommodo ne peut convenir à une situation réglée par la loi. Si les élus de la commune de Sidi-M'hamed, pour une fois inspirés par Paris, trouvent opportun d'établir ce “marché parisien”, pourquoi ne l'instituent-ils pas par l'autorité que leur confère éventuellement la loi ? Car, au final, dans cette manière de faire, et pour ce cas, l'Etat aura renvoyé la société à elle-même. Il se décidera quand le rapport de force sera résolu. Ce qui a valu pour l'islamisme violent vaut pour toutes les forces conquérantes, le commerce parallèle, en particulier. Cela se passe comme si l'autorité prend acte de l'Etat des lieux pour s'y soumettre au lieu de le faire pour concevoir l'action qui vise à l'améliorer. Et, on le voit dans notre exemple, c'est à partir des institutions, que le populisme sape les résolutions qui comportent quelque courage politique. C'est cela la culture de la réconciliation : l'arbitre ne prend pas parti ; il attend que, dans la société, on en arrive à l'affrontement et se range du côté du plus fort. M. H. [email protected]