Une association a primé des fonctionnaires pour leur probité. Aucune idée de l'intégrité de ces commis de l'Etat qui, jusqu'à preuve du contraire, devraient être de loyaux serviteurs de la mission publique. La question est plutôt dans cette approche inversée de la concussion et de la malversation qui ruine la gestion des affaires publiques. Là où il est question de traquer l'indélicatesse, on trouve l'absolue loyauté. Un corrompu ou un prévaricateur se distingue par l'usage cupide de leurs positions. On peut donc les confondre et les dénoncer. On peut même classer les pourris en fonction de leurs niveaux respectifs de décomposition. Mais, comment distinguer un probe d'un moins probe pour isoler le plus probe des deux et pouvoir ensuite lui attribuer quelque associative ou institutionnelle distinction ? Par rapport à l'heureux élu — forcément zéro tricherie, zéro corruption et zéro détournement —, les oubliés du palmarès auraient donc commis quelques impairs pour mériter d'être ainsi déclassés. Ils sont, d'une certaine manière, dans le camp des canailles, puisqu'ils n'ont pas droit de cité. Or, il n'y a pas de degrés dans la probité — on l'est ou on ne l'est pas — même s'il y en a dans l'improbité. Il faut aussi considérer le mystérieux instrument par lequel une “confédération” teste l'ensemble des fonctionnaires, jauge l'intégrité de chacun d'eux, y décèle l'excellence de moralité ! Ayant passé toute la fonction publique — car c'est du “prix de la probité nationale” qu'il s'agit — au palmer de la probité, labellisé, de telle confédération, puis ayant classé tous les fonctionnaires, on en identifie les cinq ou six plus honnêtes. Les autres peuvent aller se rhabiller jusqu'au prochain concours. De quel droit une académie autoproclamée s'arroge le droit d'élever au rang d'incorruptible des personnes qui ne sont simplement pas corrompues, jusqu'à preuve du contraire ? Et de quel droit refuse-t-elle, par conséquent, ce statut à des centaines de milliers d'autres pour lesquels il n'y a, non plus, aucune présomption de corruption ? Au demeurant, quelle imprudence, de la part des lauréats, d'accepter cette sorte de distinction ! Celles de 2005 a été retirée à ses récipiendaires : soit le test anticorruption n'a pas fonctionné l'année dernière, soit le sponsor voulait enfoncer des personnes qu'il a commencé par encenser, aujourd'hui qu'elles ont maille à partir avec la justice ou avec leur hiérarchie ! D'ailleurs, le président de la confédération concernée avoue qu'au moins pour cette année, l'objectif n'était finalement pas de traquer la probité, mais, plutôt, de “démontrer que nous n'avons aucune animosité envers le ministère des Finances ni envers l'IGF”. Sacrifier tout un prix de la probité “nationale”, avec quelques gagnants et tant de perdants, pour ça, alors qu'il suffisait de le dire ! Il y a d'ailleurs comme une épidémie des prix par lesquels on s'entre-distinguent mutuellement et sans retenue. Bientôt, il y aura deux catégories d'Algériens : les médaillés et les non médaillés. Il ne reste à inventer que le prix du sérieux. Mais “est-ce que ce monde est sérieux ?” se demandait Cabrel. M. H. [email protected]