Chez El Khalifa Bank, le temps est à la prière. La prière de voir la situation de cette institution financière du groupe se normaliser avec “l'aide de Dieu”. Hier, à l'agence de Rouiba qui fait face à la cité Dallas, l'ambiance parmi les fonctionnaires et chez les clients inquiète plus qu'elle ne rassure. 12h20. L'agence, censée être fermée à cette heure-ci, grouille encore de monde. Dix, vingt, trente ou peut-être plus de personnes, les yeux hagards, attendent désespérément que les préposés aux guichets leur servent un peu d'argent. 12h25. Les clients s'impatientent, l'attente se fait trop longue. Et peut-être même vaine. Et pour cause, à un jeune homme qui a tendu un chèque de 35 000 dinars, une employée, visiblement désolée, brise subitement le silence : “Il n'y a plus d'argent, pas même pour un chèque de 200 dinars !” lança-t-elle, comme pour inviter les clients à s'en aller. Ces derniers, inquiets, ne s'exécutent pas pour autant. Le chef d'agence se met, lui aussi, à expliquer que l'administrateur de la banque lui donne de l'argent “au compte-goûtes” et que par conséquent, il était impossible de satisfaire tout le monde. Mais les déposants s'agglutinent encore aux guichets, donnant l'impression de ne pas vouloir croire qu'il n'y a effectivement pas d'argent. Dehors, une affiche — avis à notre aimable clientèle — placardée sur la façade de l'édifice, invite les citoyens ayant des avoirs dans cette agence à “la patience”. Il leur est demandé de ne pas prêter attention à “la compagne d'intox sur le devenir de notre banque propagée par certains milieux mal intentionnés… aux desseins machiavéliques”. “Rassurez-vous, cette situation est née d'un contrôle routinier de la Banque d'Algérie dans le cadre du commerce extérieur”, souligne plus loin l'affiche qui attire inévitablement les regards inquiets et curieux des clients. Ultime réconfort : “Nous reprendrons normalement, avec l'aide de Dieu et de nos chers clients.” Ces mots, censés rassurer les citoyens qui ont confié leur “fric” à El Khalifa, sont fondés sur un constat fait par les responsables de cette importante agence que “la masse de vos retraits quotidiens en liquide est inhabituelle”. Normal. Les informations colportées çà et là sur le sort d'El Khalifa Bank ne sont pas pour apaiser les esprits. Tout le monde veut reprendre son argent. Les craintes sont remarquables à vue d'œil. “Allez-vous ramener de l'argent demain ?”, interroge un client plaintif. “Peut-être”, lui répond, évasive, une préposée au guichet. Un autre réclame de la devise, l'euro, la même personne lui réplique par une grimace comme s'il demandait la lune. Avant de lâcher sèche : “Non la devise y en a plus !”. Désabusé, le malheureux client lança à la cantonade ceci : “Waqila ddrahem ddahoum errih !” (je crois que l'argent s'est envolé). Un sentiment largement partagé par les quelque 40 personnes qui ont pris d'assaut, hier, l'agence de Rouiba qui, dit-on, possède de gros clients. H. M.