Au rythme où vont les choses, aucune divergence d'approche ne risque d'être enregistrée lors de ces assises. Tout est ficelé, ou presque. A la lecture du règlement intérieur du huitième congrès adopté à la majorité écrasante, pour ne pas dire absolue, il apparaît clairement que tout est déjà joué. Le congrès s'est en quelque sorte achevé à son ouverture, soit juste après le discours du secrétaire général sortant, mais reconduit avant même qu'il ne se représente. C'est un consensus général. Au rythme où vont les choses, aucune divergence d'approche ne risque d'être enregistrée lors de ces assises. Tout baigne dans le calme, la sérénité et la “platitude”, contrairement aux précédents congrès du parti, autrefois arènes d'âpres batailles, débats, manœuvres, manipulations et même déchirements entre les différents clans qui se disputaient le contrôle de cet appareil. Rien de tout cela cette fois-ci. Les travaux sont orientés dans un sens unique comme une ligne droite. L'unanimisme en d'autres termes. Même la vieille garde accuse le coup, ne bougeant pas le petit doigt pour protester, mais tous les doigts pour applaudir un homme venu la déloger de sa position acquise au prix fort et jalousement sauvegardée des années durant. Hier, a commencé le règne, le vrai règne, de l'enfant des Aurès. A son entrée dans la salle, il a été ovationné comme jamais un secrétaire général du FLN ne l'a été auparavant. Le décor donne l'impression d'une cérémonie de présentation d'un candidat à la magistrature suprême. C'est d'ailleurs dans la même salle de l'hôtel El-Aurassi que Bouteflika avait annoncé, en février 1999, officiellement sa décision de postuler au scrutin d'avril de la même année. Benflis a choisi le même endroit pour jouer son destin présidentiel. Simple coïncidence ? A la tribune comme devant le pupitre auquel il est habitué, il s'est montré confiant et conforté par une salle réglée comme du papier à musique. En face des ténors du parti, Yahiaoui, Benhamouda, Bessaïeh, Mazouzi, assis côte à côte, l'homme fort de l'ex-parti unique a donné lecture lui-même au règlement intérieur du congrès. Ce texte a été adopté, article par article, par les congressistes qui donnaient l'impression de l'avoir appris par cœur. Ce règlement est un ensemble de verrous, d'interdictions et de règles à bien suivre au risque de s'exposer à des sanctions. Pas de motion sous quelque forme qu'elle soit, pas de déclaration à la presse, pas de chahut. Tout est prohibé. La discipline est de rigueur. Par cet arsenal de mesures, l'équipe de Benflis a coupé l'herbe sous les pieds des éléments du clan de Bouteflika, contraints à subir les évènements. Dans la salle, les opposants à la ligne du patron du parti encaissent le coup et applaudissent pour cacher leur amertume. Ils sont battus à plates coutures au premier round. Devant une assistance en délire, le secrétaire général du FLN a prononcé une allocution de plus d'une heure. Très bien travaillé sur le plan langue avec des références à des vers de Moufdi Zakaria et Benbadis, le texte lu par Benflis, hier, est beaucoup plus un discours-programme qu'une simple intervention d'un responsable politique devant ses militants. Toutes les questions ont été abordées avec audace, précision et clarté. Même celles qui fâchent. Parmi les invité de Benflis, un homme s'est montré particulièrement heureux. Il s'agit de Sidi Saïd. Ce dernier a bien apprécié la vision développée par le n°1 du parti majoritaire sur des questions économiques. Un registre précisément sur lequel il a accablé son ami Bouteflika sans pour autant le citer nommément. Dans les coulisses, le patron de la Centrale syndicale n'a pas caché son sentiment aux journalistes qui l'ont approché. Plusieurs fois ovationné au point où il a été contraint de demander aux congressistes, poliment bien sûr, de ne pas l'interrompre pour ne pas perdre le fil. Dans ce discours, le secrétaire général du FLN a joué et gagne. En remettant son mandat à la base, cette dernière l'a plébiscité en lui demandant de rester. Le verdict des congressistes est tombé et le quitus est donné à Benflis pour conduire le parti. Contrat de confiance. Les partisans de chef de l'Etat ou opposants tout court à la ligne de Benflis ont adopté un profil bas. Il se sont rangés la mort dans l'âme. Le très médiatique Hadjar, sollicité par les journalistes, a démenti l'existence d'un putsch contre Benflis, sans parler des enjeux de l'élection du comité central. “Les motions sont une invention de la presse. Je suis pour Benflis plus que vous le croyez”, a-t-il déclaré. S'agissant de la présidentielle, l'auteur de coup d'Etat scientifique contre Mehri dira : “L'ordre du jour est clair. Maintenant, si un frère doit parler, ce sera à titre personnel sans plus.” Et d'ajouter : “Et qui sait, peut-être on vous sortira un candidat autre que celui auquel vous vous attendez. Il ne faut pas oublier qu'en 1979, on vous a sorti Chadli alors que tout le monde s'attendait à Bouteflika ou Yahiaoui.” Allez comprendre ce que l'enfant de Tiaret veut dire par cette boutade. Belayat, lui aussi très entouré par les journalistes, n'est pas sorti du cadre tracé. Pas de déclarations fracassantes. Saïdani Amar et Saïd Barkat ont eux aussi versé dans le soutien à la ligne tracé. Tout le monde est entré dans l'ordre. Un seul gagnant, Benflis. M. A. O.