Alors que l'ONU a toujours été contre la peine de mort, son nouveau secrétaire général inaugure son mandat par l'acquiescement de la pendaison de Saddam Hussein. Ki-moon ne veut surtout pas déplaire au président américain. Le nouveau SG de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est refusé à condamner l'exécution de Saddam Hussein, en dépit de l'opposition de l'Organisation mondiale à la peine de mort. Arrivant au siège new-yorkais de l'ONU pour sa première journée de travail, à l'aube d'un mandat de cinq ans, l'ex-diplomate sud-coréen s'est contenté de répondre à la question des journalistes lui demandant si l'exécution de l'ex-dictateur irakien était appropriée ou non, par les actes d'accusations formulés à son encontre par le Haut tribunal irakien qui l'a jugé. Ki-moon a seulement dit que Saddam Hussein avait commis des crimes odieux et des atrocités innommables contre le peuple irakien, invitant les journalistes à ne pas oublier ses victimes. Le successeur de Kofi Annan a pris, sans état d'âme, pour argent comptant, le verdict d'un tribunal pourtant dénoncé pour son parti pris par d'éminents juristes, y compris des Américains. Sans compter l'avalanche de mises en garde par tout ce que le monde compte comme ONG contre ce qu'elles ont elles aussi nommément dénoncé comme une parodie de justice, une justice de mascarade et un verdict de complaisance. Le Sud-Coréen a même essayé de diluer l'interpellation des journalistes dans le renvoi de la question de la peine de mort aux Etats membres de l'ONU ! Alors qu'il est attendu de l'ONU de faire respecter les droits de l'Homme, partout et dans n'importe quelle circonstance, son nouveau responsable donne l'impression de vouloir se laver les mains en renvoyant une question aussi décisive à ses membres. Les Etats violeurs des droits de l'Homme auront ainsi toute la latitude de renvoyer demain l'ONU aux déclarations de son propre responsable. On ne ferait pas mieux pour décrédibiliser une organisation qui a déjà essuyé toutes les foudres des Etats-Unis durant ces dernières années. Ki-moon s'est ainsi dissocié d'une déclaration faite après la pendaison de Saddam Hussein par le représentant spécial de l'ONU en Irak, le Pakistanais, Ashraf Qazi, qui lui a déclaré dans un communiqué que les Nations unies sont fermement opposées à l'impunité et comprennent le désir de justice ressenti par de nombreux Irakiens mais se basant sur “le principe du respect du droit à la vie”, les Nations unies “demeurent opposées à la peine capitale, même dans les cas de crimes de guerre, contre l'humanité ou de génocide”. La position mitigée et embarrassée du nouveau patron de l'ONU, dont le pays exécutait les condamnés à mort par décapitation, dans la tradition asiatique, est à relier au poids des Etats-Unis dans son élection à la succession de Kofi Annan, lequel aura été considéré jusqu'au bout de son mandat par Washington comme une sorte de pestiféré. Bush n'a jamais avalé la non-implication de l'ONU dans son aventure en Irak et il n'avait pas raté une occasion pour le faire savoir au Ghanéen Annan à qui il n'avait cesse de chercher des poux sur la tête, allant jusqu'à faire ouvrir des enquêtes pour l'épingler dans les fameux et faramineux marchés avec Saddam Hussein “pétrole contre nourriture” et dont, au passage s'étaient sucrés plusieurs personnalités américaines, proches des républicains. Ki-moon est certes un remarquable diplomate au long court, un habitué des Nations unies mais il reste qu'il doit également sa promotion à la Maison-Blanche, laquelle ne s'en est pas trop cachée. Son alignement sur Washington risque, par ailleurs, de faire des vagues plus tôt qu'on le pense. Interrogée à son tour sur les propos de Ki-moon, lors de son premier point de presse, sa porte-parole, Michèle Montas, a assuré que les déclarations de l'ancien diplomate sud-coréen ne reflétaient pas un changement de position de l'ONU sur la peine de mort. “La position de l'ONU demeure, elle n'est pas en faveur de la peine capitale”, a-t-elle affirmé. Pressée de questions sur la compatibilité entre les propos de Ki-moon et la position officielle de l'ONU, la porte-parole a dû se résoudre à promettre de demander des clarifications au secrétariat de l'ONU, en clair, à Ki-moon. D. Bouatta