Le nouveau secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a commencé sa carrière par une fausse note en ne condamnant pas les conditions dans lesquelles Saddam a été exécuté. «J'entre en fonctions à un moment intimidant dans les affaires internationales» a dit le nouveau boss de l'ONU, lors de sa première prise de contact avec la presse au siège de l'ONU où il aura à assurer un mandat de cinq ans. Mais cela n'explique pas en fait la fausse note de sa réaction à l'exécution macabre de l'ancien président irakien, Saddam Hussein. Sollicité à donner son sentiment quant à cette exécution, Ban Ki-moon a refusé, à l'étonnement général, de la condamner, se bornant à rappeler que Saddam Hussein avait commis «des crimes odieux et des atrocités innommables contre le peuple irakien» invitant à «ne pas oublier ses victimes». Certes! Mais là n'était pas la question; la manière avec laquelle la sentence a été appliquée a choqué l'ensemble de la communauté internationale qui n'a pas, par ailleurs, compris cette réaction, d'autant plus que M.Ban Ki-moon devait faire abstraction de ses sentiments personnels pour rester en phase avec la position officielle de l'ONU qui s'est toujours opposée à la peine de mort. Le nouveau secrétaire général de l'ONU a nuancé, plus tard, cette position en appelant à la suspension de l'application des peines pour les deux coaccusés de Saddam Hussein, mais le mal, si l'on peut dire, est fait alors qu'il est attendu du «numéro un», de facto, de la communauté internationale qu'il fasse preuve d'une neutralité absolue et s'en tenir uniquement aux textes de la Charte de l'ONU afférents à sa charge. Une charge d'autant plus difficile que de nombreux défis attendent Ban Ki-moon dont le plus embrouillé est encore la réforme du Conseil de sécurité, une nécessité vitale pour la gouvernance onusienne, mais se heurte aux desiderata des détenteurs du veto, lesquels ont paralysé, ces dernières décennies, le fonctionnement de l'ONU en abusant de la pratique du veto, à l'instar des Etats-Unis, et en faisant un instrument à leur dévotion. En effet, l'ONU peut-il, en 2007, fonctionner sur la base de textes écrits en 1945 au sortir d'une des guerres les plus meurtrières que l'humanité ait connu? Tous les Etats membres se disent conscients de cette nécessité, y compris les grandes puissances lesquelles restent, cependant, viscéralement attachées aux privilèges qui sont les leurs et notamment le veto qui les place au dessus de la «masse» des autres Etats qui ne disposent pas de cette épée de Damoclès. C'est dire que la tâche de Ban Ki-moon s'annonce, à tout le moins, incertaine quant à une restructuration du Conseil de sécurité et à son élargissement sur lesquels tous sont d'accord mais pas sur la manière de procéder. Outre ce problème - qui représente déjà à lui seul un travail herculéen- le nouveau secrétaire général de l'ONU -qui dit vouloir «restaurer la confiance» dans l'institution- sera confronté à d'autres défis que sont les conflits israélo-palestiniens, les guerres en Afrique, la décolonisation du Sahara occidentale, que ses prédécesseurs n'ont pu faire aboutir, la question du Darfour, et plus encore, la guerre en Irak, enclenchée par les Etats-Unis sans le feu vert de l'ONU, le nucléaire iranien, nord-coréen et israélien, les pandémies comme le Sida ou la grippe aviaire qui mettent la santé du monde en danger. Aussi, alors que le programme de travail est très chargé, la sortie de Ban Ki-moon, sur l'exécution de Saddam Hussein, relativise quelque peu ses capacités à en venir à bout, d'aucuns se demandant, en effet, si l'ancien chef de la diplomatie sud-coréenne est bien l'homme de la situation. Sans doute qu'il va falloir attendre le nouveau secrétaire général au travail pour dire si, réellement, il a les capacités de rendre à l'organisation internationale sa raison d'être. Dans une déclaration faite avant son accession à la tête de l'ONU, Ban Ki-moon avait indiqué, à propos des problèmes et défis qui l'attendent durant son mandat, que «tous ces défis doivent être affrontés collectivement, en mobilisant efforts et sagesse de manière collective» et le nouveau secrétaire général de l'ONU d'ajouter: «Personne, pas même le secrétaire général de l'ONU, ne peut y faire face seul et aucun pays non plus, même le plus fort, le plus puissant, le plus riche en ressources», une pique, sans équivoque, adressée aux Etats-Unis, dont personne à l'ONU n'oublie que Washington s'est passé de l'autorisation des Nations unies pour engager la guerre en Irak. Face à la multitude de crises qui secouent le monde, aux dossiers plus ou moins urgents qui l'attendent sur son bureau, Ban Ki-moon aura-t-il droit aux traditionnels 100 jours de répit accordés aux nouveaux chefs? En attendant, le responsable de l'ONU poursuit la mise en place de l'équipe qui va l'accompagner durant son mandat, et dont les Etats guettent avec curiosité les membres dont M.Ki-moon va s'entourer.