Cela fait douze ans que tu n'es plus là Zinou, douze ans jour après jour, année après année, je me dis que justice va être rendue, effectivement, elle a été rendue, mais ce sont nous qui avons été condamnés, condamnés pour une peine capitale, à l'oubli forcé et à perpétuité, seulement la sentence n'a pas été prononcée comme c'est le cas dans tous les tribunaux qui se respectent, mais nous l'avons bien compris, nous, les familles des victimes du terrorisme islamiste, ce mot qui est banni du vocabulaire algérien, la condamnation ne concerne pas ceux qui ont violé les lois nationales et internationales, ceux qui ont violé des filles, ceux qui ont égorgé des bébés, qui ont assassiné les vieillards — déjà épuisés par la torture du colonialisme — et ceux qui leur tête était mise à prix par les autorités algériennes, ces mêmes autorités leur ont offert l'impunité par le biais de la concorde civile, la réconciliation nationale, et enfin la Charte pour la pseudo paix et la réconciliation. Je me sens lasse de ces décisions politiques, c'est comme si les années devenaient de plus en plus longues, que mon drame devient de plus en plus lourd à assumer, que mes larmes sont gelées, que ma douleur me lâche pour laisser place au désespoir, non pas le désespoir de combattre l'islamisme, mais le désespoir qu'un jour, nous verrons les lois s'appliquer sur ceux qui nous ont endeuillés et qui ont fait basculer nos vies, à croire qu'ils détiennent notre avenir entre leurs sales mains. C'est comme si je vivais un cauchemar interminable, et à chaque fois que je veux me réveiller, je me retrouve assommée par une autre loi scélérate d'impunité qui me replonge encore et encore dans ce cauchemar. Peut-on construire sur un terrain marécageux, fragile alors que nous savons pertinemment qu'un jour les pertes seront désastreuses ? On ne construit pas une société, un projet de société et une citoyenneté sur les bases de l'impunité qui a toujours servi de ferment à la culture de la violence et au mépris de la vie. Je dénonce cette injustice et cette impunité. Ces barbares qui vivent en toute quiété. Leurs crimes contre l'humanité. Comment vivre dans la dignité alors que nos bourreaux se pavanent avec vanité ? Je vis mon désespoir et ma colère, ma souffrance et ma douleur Zinou. Même si tu es mort, tes idées perdurent encore. Repose en paix Zinou, l'Algérie dont tu rêvais nous l'aurons un jour. Mme Zinou