Près de trois ans après que le ministère de la Justice eut décidé d'ouvrir “le dossier du groupe Khalifa d'une manière complète et globale”, les personnes impliquées dans cette affaire vont être jugées. En effet, le procès de la faillite frauduleuse de la banque El Khalifa s'ouvre demain devant le tribunal criminel de Blida. Un total de 104 accusés est cité par l'arrêt de renvoi. Toutefois, le principal protagoniste, l'ancien patron du groupe Khalifa, Abdelmoumen Rafik Khalifa, réfugié à Londres depuis 2003, sera absent à ce procès. Les audiences seront consacrées au volet principal de l'affaire qui porte sur un “trou” de 3,2 milliards de dinars constaté dans la caisse principale de la banque à la suite d'irrégularités dans la gestion des dépôts. Les accusés doivent répondre d'une trentaine de chefs d'accusation, dont ceux de faillite frauduleuse, détournement de fonds et corruption. Ils encourent des peines allant jusqu'à 10 ans de prison et des amendes. Ce procès doit être suivi par d'autres concernant les filiales du groupe, sa compagnie aérienne Khalifa Airways et la chaîne de télévision installée en France K-TV. La faillite de la banque El Khalifa, épine dorsale du groupe éponyme mise en liquidation en mai 2003, avait entraîné l'arrêt de Khalifa Airways, qui a dû rendre ses avions en location et interrompre ses dessertes en Algérie et vers l'étranger. Les autres filiales du groupe sont tombées une à une. Ainsi l'empire, qui avait été édifié de toutes pièces en quelques années, est parti en fumée en un temps record. Le vent tourne, lorsqu'en novembre 2002, les opérations de commerce extérieur de El Khalifa Bank sont gelées et l'établissement placé sous tutelle administrative à la suite de malversations décelées par les autorités algériennes. La débâcle se confirme lorsqu'en février 2003, trois de ses cadres sont arrêtés à l'aéroport d'Alger alors qu'ils tentaient de sortir frauduleusement une mallette contenant deux millions d'euros. Pris de panique, le jeune “golden boy” dépassé commence par tout nier. Il tente de reprendre la main en multipliant les déclarations rassurantes sur le sort de son groupe mais perd rapidement pied et se réfugie à Londres d'où il suivra son procès. En quête de reconnaissance internationale, pour marquer sa fulgurante ascension sociale, le jeune “golden boy” signe en 2001 avec le club de foot français l'Olympique de Marseille (OM) un contrat de parrainage qui le fait connaître en dehors du cercle étroit des businessmen algérois. Pressé, des projets pleins la tête, il sillonne les cieux dans un jet privé, “Challenger”, d'une dizaine de places immatriculé à Dubaï. Installé à Ben Aknoun, à Alger, il fait de la région du Golfe un terrain de chasse pour ses affaires et de Paris “l'arrière cour” de son empire. Son épouse Hania et sa fille Melissa résident dans les beaux quartiers de la capitale française. Rafik Khalifa participe à la création de sa propre légende. Il confie à la journaliste canadienne Denyse Beaulieu, auteur de sa biographie Histoire d'un envol, qu'il doit sa “success story” à son audace, à la chance et au hasard. Depuis la faillite de la banque El Khalifa, l'Algérie a été secouée par une série de scandales financiers notamment bancaires qui ont emporté sur son passage, notamment la deuxième banque privée lancée depuis la libéralisation de l'économie algérienne en 1994, la Banque commerciale industrielle et commerciale d'Algérie (BCIA) de l'homme d'affaires Mohamed Kherroubi. Le procès des 57 personnes accusées de dilapidations de fonds publics de la BCIA est prévu le 27 janvier devant le tribunal criminel d'Oran. Rafik Benkaci