Le tribunal criminel près la cour de Blida a auditionné, jeudi, en qualité de témoins, Abdelaziz Lakhdar Ahmed Khalifa, frère de Rafik Abdelmoumen Khalifa (RAK) et associé fondateur de la banque, ainsi que Mme Nadjia Aiouaz, secrétaire principale du patron du groupe au niveau du siège de Chéraga. Les deux témoins ont été entendus à titre “indicatif”. Ils n'ont pas prêté serment pour les liens parentaux ou professionnels qui les liaient à RAK. Mal à l'aise et avec des problèmes d'audition, Abdelaziz Lakhdar Ahmed Khalifa confirmera, à la présidente du tribunal, avoir été associé fondateur de Khalifa Bank (KB) à raison de 0,96% du capital soit 50 actions et avoir signé l'acte constitutif portant création de celle-ci. “Nous l'avons signé à la maison familiale située à haï Paradou, à Hydra…” L'acte a été apporté par le “clerc du notaire”, Djamel Guelimi qui l'a lu en présence de la mère du témoin, de son oncle Kebache Ghazi, son épouse ainsi que de RAK. Les personnes présentes ont signé ce jour-là contrairement à ce qu'affirme le notaire. Le témoin assure aussi n'avoir pas été mis au courant par Guelimi de la présence du notaire dans la voiture. “Non, sinon il serait rentré à la maison. Il n'est pas un ami mais notre voisin à Hydra et à Chéraga.” Il confirmera l'absence ce jour-là de sa sœur Hafidha qui réside au Maroc. “On m'a dit ce jour-là qu'elle signerait plus tard”. Il niera avoir été mis au courant pour les deux actes hypothécaires “falsifiés” de la pharmacie et de la maison familiale des Khalifa qui ont permis à RAK d'avoir un prêt de 80 millions de DA de la BDL de Staouéli en 1997. “J'étais mobilisé pour le Service national jusqu'en septembre 1997, je n'en avais pas entendu parlé avant les auditions du juge d'instruction”, affirmera-t-il. Me Bourayou ne manquera pas de relever le malaise du témoin, voire sa crainte. Ce qui entraînera un point d'ordre. “On me dit que nous faisons peur au témoin. Est-ce que c'est vrai ? Je suis désolée si nous vous avons offensé. Vous êtes entré par cette porte en témoin, vous ressortirez de la même...”, dira Mme Brahimi. Abdelaziz Khalifa précisera n'avoir assisté qu'à la signature de l'acte constitutif, il n'a pas été mis au courant de la modification en septembre 1998. Il dira aussi n'avoir jamais assisté à une assemblée générale mis à part une à fin 2002. Architecte, possédant une entreprise de construction, il n'avait " “aucune responsabilité” à KB. Il a par contre bénéficié d'un crédit de 55 millions de DA de KB qu'il continue encore de rembourser au liquidateur de la banque. “Parts symboliques par esprit de famille…” RAK a donné, selon son frère, une part du capital de la banque à ses parents par “esprit de famille”, garantissant qu'il lui revenait d'apporter les fonds nécessaires. “Moumen s'est occupé de verser le capital. Nous avions des parts symboliques”, précisera-t-il au PG. Il ne les avait informés du projet que le jour de la signature. “Nous étions surpris. Je savais qu'il travaillait sur un grand projet, mais pas les détails. Moumen ne touchait qu'aux projets grandioses, pas aux choses simples. Il y a eu un débat entre nous sur l'utilisation du nom familial pour la banque. Mais personne n'a dit non”, dira Abdelaziz Khalifa. La présidente procédera à la confrontation du témoin avec Me Rahal. Le notaire apportera une “clarification”, il dira avoir lui-même contacté Djamel Guelimi pour l'accompagner chez les Khalifa. Ce qui étonnera la magistrate. “Je ne me rappelle plus ça remonte à 9 ans, j'ai un adénome au cerveau. Je rétablis la vérité”, dira-t-il. Sa maladie figure dans le dossier. Les propos de Abdelaziz Khalifa n'ont pas eu l'air de lui plaire et il ne s'en cachera pas. “Ils ont tous signé dans mon bureau sauf le frère et la belle-soeur de RAK. Lui vient aujourd'hui comme un agneau, dire qu'il n'a aucune responsabilité. C'est voulu”. Une déclaration qui entraînera une tension avec la présidente. “Je ne vous permets pas Me Rahal, vous avez eu tous le respects du tribunal jusqu'à présent. Respectez le témoin”, dira-t-elle. Loin de s'arrêter là, le notaire continuera. “J'ai le droit de dire que ce monsieur n'est pas en droit de dire qu'il n'est pas responsable...” La présidente lui rappellera ses propres déclarations sur l'affaire. “Je vous rappelle que vous avez accepté de donner un acte constitutif de banque à une personne qui n'officiait plus chez vous, portant les sceaux de RADP. Ce qui est contraire à la loi”, précisera-t-elle. Excédé, Me Rahal n'ira pas par trente-six chemins. “Entre le temps, mon adénome, la prison, vous êtes en train de me rendre dingue”, lancera-t-il à la magistrate. Celle-ci procédera à la confrontation du témoin avec Djamel Guelimi qui confirmera les dires du notaire, mais qui se cachera une nouvelle fois derrière le “hasard” pour expliquer sa présence. “Vous ne trouvez pas que le hasard est toujours présent pour vous. Vous ne voyez pas quelque part que vous êtes obligé de nous dire la vérité ?” interrogera-t-elle. À la fin de l'audition, Abdelaziz Khalifa refusera de faire le moindre commentaire. “ Je n'ai rien contre la presse. Je n'ai rien à dire. Peut-être dans un mois, dans un an ou dans 20…” La secrétaire, les personnalités et RAK Le tribunal a auditionné la secrétaire particulière de RAK et qui a été recrutée fin 1999 après avoir quitté la BDL. Extrêmement tendue, mal-à-l'aise, Nadjia Aiouaz répondra difficilement aux questions de la magistrate. “Je n'étais pas la secrétaire particulière de M. Khalifa, mais celle de tout le monde au siège”. Elle y confirmera la présence régulière en qualité de “responsable” de Djamel Guelimi. “C'était quelqu'un de proche de M. Khalifa. Il travaillait tantôt au siège, tantôt en France”. Mme Aiouaz réitérera ses dires au magistrat instructeur selon lesquels Djamel Guelimi recevait sur demande de RAK des “personnalités”, dont Abdenour Keramane. Elle avait reçu du P-DG comme instruction de transférer ses rendez-vous avec les personnalités s'il n'était pas disponible à “Djamel Guelimi sinon à Krim Ismaël...” “Il travaillait au siège avec la bénédiction de M. Khalifa qui lui demandait de recevoir des personnalités”. Interrogé sur les personnes reçues par D. Guelimi, elle ne s'en souviendra pas. "“Posez-moi la question, je ne sais pas…”, dira-t-elle. La magistrate lui rappellera ses déclarations concernant Amel Wahby. La secrétaire a déclaré au juge d'instruction que cette dernière l'avait contactée pour un transfert d'argent à son profit, et qu'elle avait demandé à Djamel Guelimi. Ce dernier lui a assuré l'envoi de l'argent. Chose que Mme Aiouaz a confirmé à la barre. Quant au PG, il l'interrogera sur les P-DG d'entreprises publiques ou d'organismes reçus au siège de KB. Elle citera “le DG de la Cnas, M. Sam de la Banque d'Algérie, un autre membre de la commission bancaire”. “M. Guelimi faisait autorité, c'était un responsable”, précisera-t-elle ajoutant qu'elle confirmait les instructions auprès de RAK. Mme Aiouaz confirmera également le fait que Isser Idir ait travaillé à El Khalifa Bank et qu'il ait été chargé de la création de l'agence au niveau de l'hôtel Hilton à Alger. De même que la présence à plusieurs reprises de Ighil Méziane chez RAK. Un avocat d'Ighil Méziane interrogera le témoin sur les personnalités “éminentes” reçues au niveau de la DG. Une question refusée par la présidente arguant qu'elle n'a aucune relation avec l'affaire. “Si vous lui aviez posé la question différemment, par exemple sur Raouraoua puisque vous défendez Ighil Méziane, ça aurait été plus fin. Êtes vous l'avocat de toutes ces personnalités ? Ce n'est pas le cas. Ma foi, cette question n'a pas de relation avec votre mandataire. J'ai des accusés en prison, ceux qui sont à l'extérieur ne m'intéressent pas”, dira la magistrate. Ce qui entraînera une polémique. “Même si la question est gênante, on est là en toute transparence, pour connaître la vérité...”, relèvera l'avocat. “Transparence ? Avez-vous un doute quant à ça ?” demandera la présidente. La réponse du maître est sans appel. “Si j'avais un doute je ne serais pas là”. Chose à laquelle la présidente répondra qu' “aucun mot, ni aucun nom...” ne la gênent, par contre “citer des noms au détriment d'autres”, si. Elle lui laissera néanmoins une porte ouverte. “On y reviendra quand on aura entendu votre client”. Quand Ould-Abbès, Tebboune et Krim… Belkacem s'invitent au procès L'avocat d'El Khalifa Bank, partie civile dans ce procès, l'interrogera sur la caisse régie détenue par elle, servant notamment pour les dépenses courantes et les frais de visas “des cadres, employés et personnes extérieures de la banque”. Elle avait aussi des cartes de voyages gratuits qu'elle distribuait sur ordre de RAK. Quant aux noms des bénéficiaires des cartes, elle ne se souviendra que d'un seul. Celui de “Ould Abbès”. Ce qui provoquera un brouhaha dans la salle. Me Meziane lui demandera le prénom. “Je ne sais pas. M. Ould Abbès, le ministre. Il m'avait remis une carte de voyage qui avait expiré, je lui ai donné une autre…”, dira Nadjia Aiouaz. Me Bourayou demandera au témoin, si des ministres—, et les noms ne l'intéressaient pas—, des P-DG ou des personnalités venaient au siège. La réponse est affirmative. Répondant à une question sur la “personnalité” de RAK, elle relèvera que “les ordres de M. Khalifa étaient exécutés rapidement et par tout le monde. Quand il donnait un ordre tout le monde se mettait au pas”. Le PG pour sa part interrogera Mme Aiouaz sur “les artistes, les sportifs…”, ce qui lui vaudra un brin d'amusement d'un avocat de la Défense. “Montez un peu…”. En se référant aux dires du témoin durant l'instruction, il lui demandera quel ministre de l'Habitat elle avait rencontré. “M. Tebboune...”, dira-t-elle. Les personnalités étaient reçues par “M. Khalifa et en son absence, par M. Guelimi ou Krim”. Cherchant à avoir plus de précisions, le procureur général fera un saut dans l'histoire. “Monsieur Krim Belkacem ?” demandera-t-il. Se rendant compte de son lapsus, il rectifiera. Trop tard, la salle avait déjà eu son moment d'amusement. Le procès reprendra aujourd'hui avec l'audition des accusés responsables de la caisse principale d'El Khalifa Bank, notamment Youcef Akli, le caissier principal. Samar Smati