Résumé : Les parents de Yasmina, une fois au courant, vont vite la voir. Yasmina ne se laisse pas impressionner par leur colère. Elle leur explique qu'il n'y a jamais rien eu entre elle et Djaffar. Mais ses parents ne sont pas les seuls à avoir cru le contraire. Le vieil oncle ne veut plus d'elle chez lui. -Ecoute, ma fille, il faut que tu viennes ce week-end ! - Mais je vous ai vu hier ! - J'ai des choses à te dire, dit Latéfa. Viens pour la nuit ! Yasmina intriguée quitte, le jeudi suivant, son travail plus tôt que d'habitude et rentre à Constantine. Elle n'est pas surprise par l'accueil glacial de ses sœurs. Elle profite que son père ne soit pas encore rentré pour discuter avec sa mère. Latéfa la met au courant du délai que lui laisse son vieil oncle Hamou. - Mais pourquoi ? C'est injuste ! s'écrie Yasmina. Je n'y suis pour rien si Djaffar a cru qu'on se marierait ! Je ne lui ai rien promis et ses cadeaux, je vais les lui rendre ! Je ne veux plus entendre parler de lui et de ses projets d'avenir ! Il est en train de gâcher ma vie ! Latéfa sait par Djahida que Djaffar souffre. Pendant des jours, il n'est pas sorti et il a refusé de se nourrir. Sans le soutien de sa famille, qui sait comment il pourrait finir ? - Il tient à toi, lui dit-elle. Je te trouve bien dure avec lui. Après ce qui s'est passé, je comprends que mon vieux cousin refuse de t'avoir chez lui ! - Mais je vais aller où maintenant ? Quand il s'agit de louer à une jeune femme célibataire, les gens refusent ! Qu'elle soit instruite et travailleuse, ils n'en tiennent pas compte, réplique Yasmina. Ils veulent bien louer à un couple mais à une femme, jamais ! - Je les comprends, dit sa mère. Ils ne veulent pas de problèmes ! Qui en voudrait ? - Quoi qu'en pense la famille, je suis sérieuse ! Je sais que tous me voient d'un mauvais œil, soupire Yasmina. Mais je n'y suis pour rien ! - Tu aurais pu être plus clairvoyante ! lui reproche Latéfa. Ses sentiments étaient pourtant clairs ! Le pauvre souffre. D'après sa mère, il lui en faudra du temps pour se remettre ! - Je suis désolée pour lui ! Même si cela m'indiffère complètement de le savoir mal ! Je ressens un peu de gêne, c'est tout ! - Oui. Où iras-tu vivre ? - Je ne peux pas vivre à l'hôtel, papa m'étranglerait, dit-elle voulant plaisanter. Je vais chercher une pension ! - Tu devrais t'y mettre dès ton retour ! Hamou ne se gênera pas pour te mettre dehors avec tes affaires, avant même que tu aies trouvé où vivre ! - Je comprends maintenant pourquoi je ne l'ai pas croisé depuis votre visite ! soupire la jeune femme. Est-ce que papa est encore fâché ? - Oui… Yasmina est loin de se douter qu'il lui en veut autant. Dès qu'il rentre de sa promenade, l'atmosphère devient glaciale. Elle remarque que ses sœurs se font toutes petites, si discrètes qu'on les croirait absentes. Latéfa lui a apporté le dîner au salon. Les filles dînent dans la cuisine. Yasmina est surprise par l'attitude de ses sœurs. Elle ne comprend pas pourquoi elles ne lui parlent pas. - Mais, que vous est-il arrivé ? - Rien, répond Sofia. Seulement, toi, que t'est-il arrivé ? Pourquoi l'avoir laissé espérer ? Le pauvre est déprimé et malheureux ! - En plus, c'est quelqu'un de bien, il est beau et il en a plein les poches, ajoute Naïma. Tu t'es bien moquée de lui ! Pendant tous ces mois ! - Au risque de me répéter, j'ignorais qu'il ressentait de l'amour ! - Nous, on voyait bien qu'il t'aimait ! Pourquoi pas toi ? insiste Naïma. - Moi, ce que je constate, c'est qu'une fois intéressée ailleurs, tu n'a pas hésité à le jeter comme une vieille chaussette ! - Vous n'avez rien écouté, réplique Yasmina en se levant de table sans avoir goûté au dîner. Je l'ignorais. Que dois-je faire pour qu'on me croit ? - Tu aurais dû le dissuader en refusant ses cadeaux ! - Oui, c'est ça ! Dès demain, je les lui rendrais ! Pour qu'il puisse les jeter et se faire à l'idée que nos chemins se séparent à tout jamais ! - Sans cœur ! Sorcière ! Yasmina refuse de discuter davantage avec elles. Elle monte dans sa chambre et il lui semble passer la nuit la plus longue de sa vie. Le matin, elle ne prend même pas son café, elle attend juste que ses parents soient réveillés pour leur dire au revoir et rentre sur Annaba. Personne n'a tenté de la retenir. Elle sait que si ses frères avaient été là, ils auraient fait tout un drame. Elle ne rentre pas directement au studio. Le fait de se savoir indésirable la rend bien triste. Elle éprouve le besoin de parler, de se confier. Ses rares amies ne sortent jamais le vendredi. Elle appelle Brahim et quand il lui propose de déjeuner ensemble, elle accepte avec joie. Elle éprouve un vif soulagement à la pensée de ne pas avoir à rentrer au studio. Brahim vient la chercher en voiture. C'est l'occasion, pour eux de discuter de ce qu'il leur est arrivé malgré eux. A. K. (À suivre)