Les stratèges de Bush ont-ils négligé un point essentiel dans la réussite de leur entreprise guerrière en ne mesurant pas l'importance de l'apport qu'aurait fourni l'opposition irakienne, notamment les chiites qui représentent 54% de la population ? Rumsfeld annonce un plan pour courtiser les anti-Saddam et refaire le retard. Le Wall Street Journal estime que la situation aurait été plus favorable aux coalisés si les stratèges de la Maison-Blanche avaient accordé plus d'importance à l'opposition chiite. “On ne peut s'empêcher de se demander si l'accueil des Irakiens n'aurait pas été plus enthousiaste et plus massif si les Etats-Unis avaient travaillé plus tôt avec ces Irakiens qui partagent nos objectifs”, écrit l'éditorialiste de ce quotidien. Il se demande même si certains conseillers du président n'ont pas omis volontairement de l'en informer sur cette question. “Peut-être que le président Bush n'est pas au courant de la façon dont certains de ses collaborateurs minent l'avenir de la démocratie irakienne dans le seul but d'écarter le Congrès national irakien du pouvoir dans l'Irak de l'après-Saddam. Accorder un peu plus d'intérêts à cette question serait certainement bienvenu”, ajoute l'auteur de l'article. Reste à savoir si l'opposition irakienne aurait épousé les thèses américaines si Washington en avait fait la tentative. Selon les analystes, il est peu probable qu'une telle sollicitation ait reçu un écho favorable particulièrement de la part des chiites qui ont beaucoup de reproches à faire aux Américains. Il aurait fallu tout un travail d'approche pour faire changer d'avis les chiites, qui ont encore en mémoire le refus de l'armée US de les soutenir dans leur soulèvement en 1991, après la guerre du Golfe encouragé pourtant par George Bush père. Ce dernier s'étant rétracté, Saddam Hussein a réprimé dans le sang l'insurrection chiite et a fini par reprendre le contrôle du Sud irakien au prix de la destruction du centre historique de Kerbala, lieu de culte pour cette communauté. Les experts américains ont probablement relégué au second plan l'opposition irakienne dans cette guerre à cause des divergences profondes existant entre les différentes factions, qui ne sont jamais parvenues à s'entendre sur l'après-Saddam. La dernière réunion, tenue samedi à Londres, avec l'appui de l'Onu, a montré que le seul point commun de ce groupe disparate est sa farouche hostilité à Saddam Hussein. C'est là peut-être l'argument des conseillers de Bush pour justifier le peu d'importance qu'ils ont accordé au rôle que peut jouer l'opposition irakienne dans cette guerre. Néanmoins, le Pentagone veut reprendre les choses en main, à en croire les dernières déclarations de Donald Rumsfeld. Le secrétaire d'Etat à la Défense semble prendre en considération les affirmations en ce sens du leader chiite Ahmed Chalabi. “Les seuls qui sont capables de mobiliser sont les membres de l'opposition qui, jusqu'à présent, n'ont joué qu'un petit rôle dans cette guerre”, avait dit le premier responsable du congrès national irakien à la presse, la semaine dernière à Dokan, dans le nord de l'Irak. Un plan est donc échafaudé pour encourager la population à se soulever avec l'aide de certains chefs de l'opposition. C'est ce qu'a confirmé Rumsfeld dimanche à la chaîne d'information américaine Fox News. K. A.