Sous le prisme des contrats d'armements et de la coopération énergétique, les Russes voient un avenir prometteur au partenariat stratégique initié entre Alger et Moscou. Les deux étant pour eux intrinsèquement liés. Rétrospective et prospective de relations bilatérales historiques, mais d'une portée actuelle. Dans une opinion publiée par l'agence d'information russe Ria Novosti, Victor Litovkine analyse l'avenir des relations algéro-russes et du partenariat stratégique initié entre les deux pays sous deux angles. Le rétrospectif en revenant sur le contrat d'armement signé à la faveur de la visite d'Etat du président russe Vladimir Poutine à Alger en mars 2006. Le prospectif en posant les bases d'un partenariat énergétique appelé à inverser, selon les Russes, la courbe par rapport aux contrats d'armement. Ce dernier livre d'ailleurs peu à peu ses secrets et devrait permettre, selon Ria Novosti, à l'Algérie, de se hisser dans les toutes prochaines années à la première place des clients des industries de défense russes. D'un volume dépassant les 7,5 milliards de dollars, il a permis à Alger d'accéder à la troisième place après la Chine et l'Inde. Et les Russes deviennent d'un coup prolixes sur la nature des armes en cours d'acquisition. La liste des armements et des matériels de défense que l'Algérie entend acheter à la Russie est jugée “impressionnante”. “Ce sont des chasseurs polyvalents - 36 MiG-29SMT légers, 28 Su-30MKA lourds et 16 avions d'entraînement et de combat Yak-130, 8 systèmes de missiles sol-air S-300PMU2 Favorit, 30 systèmes de missiles sol-air Toungouska-M1 et plusieurs dizaines de chars T-90S. On prévoit, en outre, que des entreprises russes moderniseront 36 chasseurs MiG-29 qui équipent déjà l'armée de l'air algérienne, elles livreront différents missiles de stationnement aérien et des équipements d'aérodrome et formeront des pilotes de chasse et des spécialistes de l'entretien des systèmes d'aviation et au sol”, affirme l'analyste russe. D'autre part, les contrats prévoient selon Ria Novosti que les experts russes modernisent et perfectionnent près de 500 chars T-72 vendus à l'Algérie dans les années 1980, deux sous-marins diesel de type 877EKM et deux corvettes. “En plus de tout cela, Moscou vendra à Alger des systèmes de missiles antichars Metis et Korvet, des armes d'infanterie et des armes spéciales destinées à la lutte antiterroriste”. Il ne s'agit pas pour autant d'une “vente exceptionnelle”, elle sera échelonnée sur plusieurs années, quatre selon la presse russe. Ces contrats viennent, ce n'est pas un secret, en contrepartie de l'effacement de la dette algérienne contractée vis-à-vis de la Russie. “Officiellement, dans le cadre du Club de Paris, la Russie a “épongé” la dette algérienne. Il est vrai, avec une petite condition : l'Algérie, pour s'en débarrasser définitivement, devra acheter à la Russie des marchandises de haute technicité. À elle de choisir. Eh bien, Alger a choisi le matériel militaire. Les livraisons de chasseurs, de batteries antiaériennes et de chars commenceront dès que Moscou recevra l'argent liquide”, précise Ria Novosti. Les autorités russes semblent d'ailleurs n'avoir aucune crainte à ce sujet. “Et l'Algérie en a, et en grande quantité”. D'autant, ajoute l'analyste, que l'Algérie achète des armes et des équipements de sécurité à de nombreux pays dont la Grande-Bretagne, l'Inde, l'Egypte, la Turquie, l'Afrique du Sud, le Japon et la Chine. Cette dernière a, par exemple, construit en Algérie deux usines produisant la version chinoise des Kalachnikov. Le meilleur argument à la “solvabilité” de l'Algérie reste toutefois les hydrocarbures. Le pays se place en septième position mondiale pour les réserves de gaz et occupe la quatrième place dans le monde — après la Russie, le Canada et la Norvège — pour ses exportations gazières de plus de 60 milliards de mètres cubes par an. Les réserves de pétrole algériennes dépassent quant à elles les 13 milliards de barils et la place à la 14e place mondiale. Et c'est sur ce terrain surtout que les Russes veulent renforcer le partenariat stratégique avec Alger. “Le leader mondial du gaz Gazprom étudie depuis longtemps la possibilité de construire un nouveau gazoduc Algérie-Italie-Balkans qui permettrait de “boucler” le circuit gazier avec la Turquie, d'équilibrer la dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Norvège et d'alléger la surcharge des réseaux de distribution russes. À présent, après la signature des contrats d'armements entre Moscou et Alger, cette perspective se dessine encore plus nettement. Tout comme celle de la participation d'entreprises russes à l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz algériens”, indique Victor Litovkine. La vision russe va même plus loin. Ils espèrent à moyen terme inverser la courbe des échanges russes avec l'Algérie, actuellement concentrée à près de 90% pour les exportations d'armes et à 10% pour les hydrocarbures. “Tout cela n'est qu'un début. On voudrait croire qu'au fur et à mesure de la mise en service de nouveaux gisements, le rapport entre les armements et l'énergie changera en faveur de cette dernière”. Cela suppose pour eux un impératif. Celui de la sécurité et de la stabilité en Algérie. Ils citeront dans ce cadre les attentats “monstrueux” qui ont touché le Palais du gouvernement et le commissariat de Bab-Ezzouar, mercredi 11 avril. La sécurité étant, pour Ria Novosti une condition sine qua non. “Travailler dans une telle situation, aider le pays à mettre en valeur ses ressources énergétiques et à les vendre à d'autres pays, notamment pour payer les importations d'armes, n'est pas une tâche aisée, notamment sur le plan de la sécurité”. Les Russes y trouvent toutefois une compensation et pas des moindres. “Mais, tout compte fait, le marché algérien des armes et des matériels de défense devient, dans ce cas-là, non seulement une “entreprise” au développement de laquelle sont sans doute intéressés tous les pays producteurs d'armes modernes, mais aussi un “front uni” de la lutte contre le terrorisme international. La boucle est ainsi bouclée et augure d'un partenariat renforcé. Samar Smati