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Les secrets de la filière irakienne du GSPC
Liberté enquête à El-oued
Publié dans Liberté le 24 - 04 - 2007

Les jeunes recrutés pour aller combattre en Irak sont en réalité versés dans les katibate du GSPC qui n'arrive plus à recruter. En fait, la propagande terroriste centrée sur la situation en Irak n'est qu'une parade pour réinvestir les maquis en Algérie.
Mardi 17 avril 2007. Il est 10 heures tapantes. Il fait relativement chaud à El-Oued, la ville aux Mille Coupoles, située à 600 km d'Alger. À l'instar des autres villes du pays, l'événement ce matin dans la capitale du Souf, c'est l'organisation d'une marche contre le terrorisme. Les marcheurs scandent des slogans vilipendant les terroristes auxquels ils reprochent de continuer à tuer des innocents, alors que les portes de la réconciliation et du repentir leur sont toujours grandes ouvertes. À 200 mètres du point de chute de la procession humaine, des jeunes se lancent au pas de course. “Ne soyez pas étonnés de nous voir manifester de la sorte. C'est comme cela que tout bon musulman doit exprimer sa colère. C'est une recommandation de notre Prophète Mohamed. Cette course évoque, en effet, les 7 tours que tout musulman doit effectuer autour de la Kaâba, pendant le pèlerinage”, explique un homme à la barbe bien fournie. Et de préciser que sa participation à la marche se veut une dénonciation de la violence et non pas du programme idéologique des terroristes. “Je milite pour l'instauration d'un Etat islamique en Algérie, mais sans recourir à la violence. Mon souhait est que les terroristes le comprennent de cette façon car la violence n'est pas la meilleure solution indiquée pour parvenir à un Etat régi par la loi de Dieu”, ajoute-t-il encore. Il ne cache pas avoir été lui-même un terroriste. “Je suis un repenti, mais cela ne veut nullement dire que j'ai trahi mes convictions politiques”, se confie-t-il. Autre fait marquant lors de cette même marche, c'est l'arrestation de deux lycéens âgés de 18 ans pour avoir brandi une pancarte sur laquelle ils ont écrit en gros caractères et en arabe : “Oui au terrorisme et non à la cherté de la vie.” Ces jeunes gens, ont-ils voulu juste faire une farce, ou ont-ils été utilisés par des réseaux terroristes ? La réponse ne sera connue que dans quelques jours, lorsqu'ils comparaîtront devant un tribunal pour incitation à la violence. Si, à la faveur de la loi sur la concorde civile, beaucoup de terroristes de la région ont décidé d'abandonner l'action armée, des centaines d'autres, en revanche, sont restés au maquis. Ils sont dans le collimateur des services de sécurité qui les recherchent activement. À se fier à une source sécuritaire, les terroristes de la région activent surtout dans les monts de Tébessa. C'est que le relief de Oued Souf n'offre aucune possibilité pour se cacher. Pourtant, c'est à Guemar, à 15 kilomètres du chef-lieu de wilaya, que, le 28 novembre 1991, avait eu lieu le premier acte terroriste en Algérie. La cible des islamistes était une caserne de l'armée. Bilan : 3 soldats assassinés. Durant les années de braise, peu d'actions armées ont été menées dans cette région utilisée, plutôt, comme zone de repli. L'explication ? De par sa situation géographique, El-Oued (elle possède des frontières avec la Tunisie et la Libye) a été choisie par les terroristes comme base arrière et de vivier. Le phénomène du trafic en tous genres (armes, drogues et cigarettes), très répandu au Sahara, est exploité par les terroristes pour s'armer et se procurer des financements en prélevant un “impôt révolutionnaire'' sur toutes les transactions des contrebandiers. Ces derniers bénéficient, en contrepartie, d'une protection sûre et infaillible pour échapper à la traque des forces de sécurité. Ainsi, quand l'étau des services de sécurité se resserre autour d'eux dans un pays, ils se réfugient dans le territoire d'un autre Etat où ils ne peuvent être poursuivis puisque les forces de sécurité sont dans l'obligation de respecter des formalités administratives. Pour se déplacer, les trafiquants font appel à des guides expérimentés et à des moyens de communication par satellite. La découverte, le 29 mars dernier à Magrane, d'une casemate où étaient entreposées des armes, des munitions ainsi qu'une importante quantité de denrées alimentaires, ne fait que confirmer les interconnexions entre les réseaux terroristes et les contrebandiers.
Dans la même cache, les services de sécurité ont mis la main sur des équipements informatiques et des moyens d'impression modernes. Le propriétaire de la palmeraie où se trouvait la cache a été arrêté avec 20 autres individus (9 d'entre eux ont été écroués, 6 placés sous contrôle judiciaire et 6 autres ont été libérés). Ces arrestations ont permis d'élucider l'affaire de l'enlèvement de Douga Abdelghani (le fils d'un milliardaire de la ville de Magrane), séquestré pendant plus de deux mois et libéré contre le versement d'une forte rançon. Selon les résultats de l'enquête des forces de sécurité, ce sont deux terroristes bien connus dans la région qui sont derrière ce rapt : Messaoud Mohamed Hafidh, “émir” de la région, et son adjoint Zekir Mohamed. Ces deux terroristes s'étaient illustrés auparavant en assassinant, le 18 mars 2006, l'”émir” terroriste repenti, Abdelkrim Kadouri alias El Kaâkaâ. Jouissant d'une grande notoriété dans la région, l'ex-”émir” s'était distingué, quelques mois avant sa mort, par de nombreux appels lancés aux terroristes en activité, les exhortant à abandonner l'action armée.
La parade irakienne…
Ces derniers temps, un nouveau phénomène s'est déclaré dans la région : le recrutement de jeunes pour les envoyer combattre en Irak. Au mois de février dernier, les services de sécurité ont arrêté un membre du bureau de wilaya de l'Association des ulémas algériens qui a versé dans le recrutement de candidats à la mort. Selon des sources sûres, une vingtaine de jeunes Soufis sont tombés dans les nasses des recruteurs d'Al-Qaïda et étaient du voyage dans l'enfer irakien. Le recrutement et l'envoi de jeunes combattants à l'étranger sont, en quelque sorte, une spécialité de Oued-Souf puisque, durant les années 1980 déjà, des dizaines de moudjahidine sont allés combattre en Afghanistan avec la bénédiction, bien sûr, de la CIA qui, en ces temps-là, avait sponsorisé et même porté au pinacle le djihad islamique. La défaite des Russes en Afghanistan consommée, les “Afghans” de la région du Souf, de retour au pays, formeront les premiers noyaux durs des maquis du GIA. Oued-Souf devait aussi, selon le même plan, servir de rampe de lancement pour l'exportation de l'idéologie terroriste vers d'autres contrées et, en premier lieu, bien entendu, les pays riverains. Quant aux membres des réseaux de soutien au terrorisme (de la région du Souf) partis en Irak, certains ont même commis des attentats suicide. C'est le cas notamment de Khalfallah Nabil, un ex-handballeur, et un certain Benali de Bayadha. Les parents de ces deux personnes ont juste reçu des informations sur la mort de leurs enfants dans un attentat, mais aucun autre document officiel ne le prouve jusqu'à présent.
Comment contrer
la médiatisation à outrance des terroristes
Ces recrutements existent bel et bien, mais des sources sécuritaires affirment que le nombre de ceux qui partent en Irak reste minime. Les réseaux terroristes activant encore en Algérie recourent à cette méthode pour appâter les nouvelles recrues qui se font de plus en plus rares pour le “djihad local”. Les recrues, qui croyaient aller combattre en Irak, sont le plus souvent versées dans les unités du GSPC et obligées de commettre des attentats en Algérie. Les nouveaux terroristes ne peuvent faire marche arrière, une fois au maquis, car leurs chefs ont vite fait de les “griller” auprès des autorités en répandant la rumeur de leur pseudo départ en Irak. Pour les tenants du terrorisme, cette technique bien rodée a un double effet : les forces de sécurité cessent les recherches contre les nouvelles recrues, ce qui permet au GSPC de se réorganiser en toute quiétude. Mais les forces spécialisées dans la lutte antiterroriste ont vite fait de deviner la stratégie des groupes armés. Les forces de sécurité ne baissent pas les bras sur tout le territoire national certes, mais les hommes qui luttent contre le terrorisme redoublent de vigilance dans cette région qui a fourni les premiers contingents du GIA. Pour le moment et selon des sources sûres, El-Oued sert de “supermarché” aux terroristes qui s'approvisionnent en denrées alimentaires au souk dit de “Libye” qui se tient tous les jours à Oued-Souf.
S. I.
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