Elle attendait le duel télévisé face à son adversaire pour tenter de renverser la vapeur. Ségolène Royal n'a que très partiellement rempli sa mission. Ses supporteurs sont satisfaits de sa prestation face à un Nicolas Sarkozy quelque peu décontenancé, mais il aurait fallu un K.-O. pour faire mentir les sondages dont les prévisions au premier tour ont été, cette fois, vérifiées. Avant le débat, la socialiste avait réussi une formidable mobilisation en réunissant 60 000 personnes pour son dernier meeting parisien. Mieux que son rival qui, lui, a rassemblé 40 000. À fleurets mouchetés, le duel télévisé ne semble pas avoir vaincu les hésitations des 7 millions du centre qui sont la clé de la victoire. Leur chef de file, François Bayrou, a, certes, donné un coup de pouce à Mme Royal, en affirmant qu'il ne voterait pas pour le candidat de la droite. Dans quelle proportion sera-t-il imité ? Quel sera le taux d'abstention ? Des questions encore sans réponse mais presque superflues aux yeux des sondeurs qui annoncent une victoire de M. Sarkozy, fort d'une avance de six points au premier tour durant lequel l'ensemble de la gauche n'a rassemblé que 36% des suffrages. Il faut dire que la campagne, d'une âpreté et d'une intensité fortes, a permis au candidat de la droite de polir ses aspérités les plus inquiétantes. Attaqué sur son caractère et sa brutalité, il a fait des efforts pour paraître plus serein. Les deux candidats ont lancé leur ultime appel à la mobilisation jeudi pour leur dernier grand meeting. “Dimanche prochain, cette victoire que nous voulons tant, que nous désirons tant pour la France, elle est maintenant à portée de main”, a déclaré la candidate socialiste lors de son discours à Lille (Nord) dans la liesse des quelque 20 000 personnes présentes. “Je vous demande encore pendant deux jours de vous mobiliser. Osez voter pour une femme”, a ajouté Mme Royal. Fréquemment interrompue par de bruyants “Ségolène présidente !” elle a vu “une vague qui continue à monter et qui doit monter”. La candidate a dit vouloir “rassembler” et a exalté pendant une heure “les énergies positives” qu'elle dit avoir senties pendant sa campagne pour inviter ses partisans à “se mobiliser” d'ici le vote décisif du 6 mai. Elle a dit vouloir construire “une France de la non-violence, de la non-brutalité”, attaquant sans le nommer son rival Nicolas Sarkozy qui tenait son meeting à l'autre bout de la France à Montpellier (Sud). Reprenant également de grands thèmes développés durant sa campagne, notamment sur la sécurité, l'immigration, et l'identité nationale, M. Sarkozy a, lui, de nouveau fustigé “l'héritage de mai 1968” responsable, selon lui, du déclin moral de la France devant quelque 15 000 personnes. “Il nous reste deux jours pour dire adieu à l'héritage de 68 (...), deux jours pour que jaillisse des tréfonds du pays une énergie nouvelle, deux jours pour que se lève un grand mouvement populaire qui emportera tous les obstacles, toutes les hésitations, toutes les peurs, toutes les angoisses”, a-t-il lancé à la foule. Il reste “deux jours pendant lesquels j'ai besoin de votre ardeur, de votre amitié, de votre enthousiasme, de votre énergie, de votre force”, a ajouté le candidat de droite, en présence, notamment de Bernadette Chirac, l'épouse du président sortant dont les relations avec Nicolas Sarkozy ont été tendues. Qui de l'un ou de l'autre est mieux placé pour fouetter la relation avec l'Algérie ? Avec Sarkozy, le Chef du gouvernement algérien ne semble pas avoir d'atomes crochus. M. Belkhadem l'accuse de vouloir “réhabiliter” l'OAS. Sur le passé commun, le candidat de la droite ne veut pas entendre parler de “repentance” comme le souhaite Alger. À Montpellier, il a affirmé que “le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc” n'avait été “pas tant un rêve de conquête qu'un rêve de civilisation”. Y. KENZY