L'appartenance tribale plus que le profil universitaire de plusieurs candidats présentés par les partis de “petite envergure” pourrait prévaloir dans le partage des voix. Par-delà l'indifférence superbement affichée par les populations locales vis-à-vis des consultations électorales à venir, rien ne semble aller comme cela devrait l'être du côté des partis à Souk-Ahras. L'ère du changement structurel, auquel appellent de tous leurs vœux les militants et sympathisants des formations politiques, n'est manifestement pas pour l'échéance du 17 mai prochain. C'est du moins ce dont sont convaincus ceux se réclamant des partis FLN et RND, au sein desquels règne la plus grande confusion depuis que les listes définitives de candidatures sont connues. Des listes décriées par le plus grand nombre parce que non conformes au choix de la base militante, affirme-t-on. Au niveau des sièges de ces partis, qui n'ont pas été désertés pour autant, un vent de dissidence a soufflé avant le lancement de la campagne électorale. Les plus virulents des contestataires parlent carrément de boycott ou, à tout le moins, de “moussanada” à des candidatures autres que celles de leur propre formation. C'est le cas des partisans de l'ex-député et actuel mouhafed FLN. Saddek Bouguetaya, dont la candidature n'a pas été retenue malgré l'aval de 20 sur les 26 kasmas de la wilaya de Souk-Ahras, est quant à lui injoignable depuis que les listes du comité central ont été rendues publiques. On dit de lui qu'il a été évincé pour avoir soutenu plus que de raison le candidat Benflis de la dernière présidentielle et surtout pour ses déclarations fracassantes sur les chaînes de télévision arabes. “La wilaya renferme des gens compétents qui ne s'isoleront pas de la base une fois élus, comme l'ont fait la plupart des députés jusqu'ici”, s'insurge l'un d'entre eux. Les membres des comités de soutien et les militants du FLN, favorables à la candidature du ministre Harraoubia, ne semblent pas avoir cure de ce qui se passe du côté de la mouhafadha officielle. Bien au contraire. Ils ont signé et fait circuler à travers la wilaya un communiqué dans lequel ils engagent les supporters de l'association sportive ESSA, les comités de quartier de la ville chef-lieu de wilaya aux côtés de pratiquement toutes les organisations de moudjahidine, d'enfants de chouhada et de victimes de la guerre de Libération nationale à mener campagne pour la liste FLN. Avec à leur tête le président de l'APC, Houmana Boularès, ils ont commencé à faire un travail d'approche en installant leur QG de campagne et en démarchant des commerçants et des propriétaires de locaux situés aux points stratégiques de la ville pour y aménager des permanences. Même dépit et même attitude de défiance chez les militants RND. Là encore, le siège officiel du parti de la cité des 1 700-Logements était devenu une permanence des protestataires. Ces derniers n'ont cessé pareillement d'adresser leurs griefs à leur centrale organique à l'encontre principalement du coordinateur de wilaya qui n'aurait pas respecté les règles de base du parti dans la confection de la liste des candidats. Ils dénoncent nommément le premier responsable de la structure RND de wilaya, M. Lakhdar Madi, qui aurait “concocté en catimini, avec des gens qui lui sont fidèles”, une liste sur mesure dans laquelle il figure en première position. “Le député sortant, qui aurait volontairement failli à l'obligation de transparence en vigueur au sein du parti, se serait ainsi assuré une reconduction certaine au siège de parlementaire, pour peu que les électeurs portent leur choix sur le RND… ”, déclare avec amertume cette avocate se présentant comme une militante de la première heure de la formation d'Ouyahia. “Les critères fondamentaux d'éligibilité prônés par notre parti exigent pourtant du candidat à la députation qu'il ait suivi une solide formation universitaire ou qu'il ait une expérience conséquente pour prétendre à la charge de législateur. Malheureusement, ce n'est pas le cas du tout s'agissant du postulant de Souk-Ahras”, confie-t-elle. Avant d'ajouter : “Le parti n'a présenté aucune femme sur cette liste, ce qui nous éloigne notablement du discours officiel qui ne cesse d'invoquer la nécessaire intégration de la femme dans le système social et politique de l'Algérie. Vous remarquerez que dans notre wilaya, seul le Parti des travailleurs a placé une femme en tête de liste. Le PNP et AHD 54 ont inclus des femmes du nombre de leurs candidats, mais dans des positions de simples figurantes, juste pour meubler. Tout cela se passe de commentaires !” Les commentaires, ce sont les candidats indépendants qui en font et ils sont plutôt acerbes à l'endroit de l'administration locale. Ils figuraient sur pas moins de dix listes, toutes déposées dans les délais et les formes réglementaires, mais dont pas une seule n'a été acceptée, pour des prétextes futiles, assure-t-on. “Les recalés” n'hésitent pas à parler de connivence entre le pouvoir et un certain parti politique, dont les Dral de wilaya seraient l'instrument et les candidats indépendants les victimes expiatoires. Un “deal” qui n'aurait d'autre objectif que l'élimination de tous ceux qui pourraient, par leur charisme personnel, rafler les voix convoitées par le parti prétendument avantagé par l'administration. Ils auront bien tenté de faire valoir leurs droits, en déposant un recours, mais en vain, car la fin de non-recevoir, opposée en premier lieu à leur candidature, a été confirmée par la justice. Les luttes intestines s'étant installées uniquement au sein des formations politiques traditionnellement majoritaires que sont le FLN et le RND, il y a de fortes chances pour que les 5 sièges de députés de la wilaya de Souk-Ahras aillent aux candidats des 14 autres partis en lice. Cette hypothèse est avancée par de nombreux observateurs aguerris à ce type de joutes au niveau local. Pour ceux-ci, il ne fait aucun doute que le tribalisme jouera plus que jamais un rôle important. L'appartenance tribale, plus que le profil universitaire de plusieurs d'entre les candidats présentés par les partis de “petite envergure”, pourrait prévaloir en faveur de ces derniers dans le partage des voix, assure l'un de nos interlocuteurs. “La surprise pourra aussi venir des islamistes et particulièrement des militants de l'ex-Nahda, tendance Djaballah, dont les candidats se sont présentés en désespoir de cause sous la bannière d'un parti senfour.” L'influence des votes passera certainement par l'achat systématique des voix. La distribution des petits cadeaux et autres denrées alimentaires a commencé déjà. Il n'y a qu'à faire un tour dans les communes isolées pour s'en rendre compte ! Nul besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'il est fait ici allusion au député Arribi, lequel s'est finalement porté sur la liste du MMND pour prétendre à une quatrième législature. Son outsider de toujours, Latifi, un homme d'affaires plus connu à Alger que dans sa propre circonscription électorale, Souk-Ahras, n'aurait aucun scrupule à user du “nerf de la guerre” pour arriver à ses fins. Le candidat du msp a, semble-t-il, rameuté ses troupes, et l'opération de séduction aurait débuté pour supplanter ses rivaux de l'heure, à savoir Bouchouata du mouvement Nahda et Talhi du MRN. Il y a fort à parier que la bataille sera rude et incertaine pour tous. A. A.