Pour ce journaliste emblématique, la colonisation n'a jamais été pour lui “positive”. Jean Daniel, journaliste et directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, a animé, hier, à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma une rencontre avec les responsables et les représentants de la presse nationale. L'occasion d'évoquer pour cet “enfant d'Algérie” l'état du journalisme en général, ainsi que le passé, et plus particulièrement l'avenir des relations algéro-françaises. Une discussion censée être, pour Jean Daniel, à bâtons rompus entre “confrères”. Entre une “institution culturelle et médiatique”, dixit Amine Zaoui, et les représentants d'une nouvelle génération de journalistes algériens qui n'auront pas connu les faits d'armes d'un des journalistes vedettes de L'Express au temps de la guerre d'Algérie. Le tout sous le regard de deux éditeurs, H'mida Layachi et Omar Belhouchet. Le cofondateur du Nouvel Obs reviendra succinctement et modestement sur un parcours personnel marqué par “la continuité et la précocité”. Concernant le passé, Jean Daniel reviendra à sa manière bien particulière sur la polémique franco-algérienne sur les “bienfaits” de la colonisation. Il mettra en avant “les instituteurs et professeurs” des écoles et collèges de l'époque. “Ce que la France a fait de mieux dans ce pays”. Ce n'est pas pour autant une “excuse” au colonialisme, ces derniers étant, selon lui, “évidemment anticolonialistes”. Quant à l'avenir, il considère que les “querelles” sur le pacte d'amitié et la repentance sont “inopportunes” et les “aspects positifs” de la colonisation un “faux problème” de l'autre. La colonisation n'ayant jamais été pour lui “positive”. L'un des plus influents journalistes français reviendra également sur l'aventure Nouvel Obs et sa création par des “écrivains, des universitaires et une minorité de journalistes professionnels”. Une “conception très culturelle de l'actualité” et qui n'avait pas encore intégré la “dimension économique”. Un temps qu'il évoquera avec un ton nostalgique tant la presse écrite française aura connu des bouleversements sur les cinquante dernières années. Si sa vie de journaliste qu'il maintient “contre vents et marées” est aujourd'hui transformée, Jean Daniel avancera néanmoins qu'il croit toujours à la “beauté” du journalisme appelant, via Albert Camus sur lequel il vient de publier un livre, à “lutter dans les pays où la presse n'est pas libre, à la libérer, et dans ceux où elle l'est à la responsabiliser”. Tant la liberté d'expression est un principe sacré et ayant pour corollaire la responsabilité sachant le pouvoir “exorbitant” placé entre les mains des journalistes. Il mettra en avant le côté “people” de la pratique actuelle des médias, son accompagnement par un risque de dénigrement systématique, les atteintes à la vie privée et le non-respect de la présomption d'innocence, le pouvoir accru de l'image, la mainmise des capitaines d'industrie sur les sociétés de presse, la quête absolue du scoop. “Faut-il être le premier ou le meilleur ?” une question qu'un journaliste de plus de cinquante ans de carrière mettra en avant pour expliquer l'obligation de vérité, d'exactitude, de sérieux et de qualité qui sied à une vocation plus qu'à un métier. “Quand la presse est libre, les principes sont d'une importance extrême…” Les bouleversements actuels du journalisme, Jean Daniel les résumera en une phrase et qui est tout un symbole. “Albert Camus était malheureux de la presse de son époque, aujourd'hui il en serait bouleversé”. Il ne se risquera pas à se prononcer sur l'état actuel de la presse algérienne, ne connaissant pas le sujet mais relevant toutefois “sa diversité d'opinion”. “Je ne peux pas éluder les difficultés, là-dessus vous connaissez ma liberté”. Le sujet n'aura pas été au menu, dira-t-il à un confrère qui l'interrogeait sur ses discussions avec le président Bouteflika. Pour lui, les sentiments des hommes de pouvoir de par le monde vis-à-vis de la presse sont clairs, “ils préfèrent qu'elle roule pour eux, une sorte de tendance à aimer et vouloir être aimé”. Il reviendra au directeur de la publication d'El Watan de donner son avis sur l'état actuel de la presse. Il relèvera un “apaisement dans les relations et le rapport de force quasi constant durant une quinzaine d'années”, ainsi qu'une “volonté” de calmer la situation. Il appellera à l'image de toute la corporation à la révision du code pénal, notamment des dispositions relatives au délit de presse ainsi qu'à l'ouverture du champ audiovisuel. “Nous sortons d'une phase”. Omar Belhouchet reviendra également sur l'engagement de Jean Daniel auprès de la presse algérienne. Samar Smati