Les Américains lancent à partir d'Alger une série de consultations sur l'Africom et souhaitent l'adhésion des principaux pays africains, l'Algérie comprise. Avec un bémol, changement de ton, côté US, en se mettant au diapason des interrogations algériennes. Les Américains ont débarqué. Pas les Forces armées. Mais leurs représentants au sein du Département de la Défense et du Département d'Etat avec dans les valises leurs explications concernant l'Africa Command ou Africom, le projet de création d'un commandement africain pour les forces armées américaines. Une délégation d'une douzaine de hauts cadres des deux ministères américains est actuellement à Alger afin d'expliciter les plans US “en cours pour réorganiser comment seront gérées et menées les actions américaines militaires et internationales en Afrique”, dixit Ryan Henry, sous-secrétaire adjoint principal chargé de la politique militaire à la Défense, et chef de la délégation. Les Etats-Unis, échaudés par les réactions rétives des Etats africains après la décision du président Bush d'unifier la politique américaine en Afrique autour d'un commandement militaire basé sur le continent, reconsidèrent un peu leur approche et opèrent une stratégie d'explication et de consultation sur les objectifs attendus de l'Africom auprès des pays africains, même si le projet en est “à la fin des études de faisabilité”. D'autant que les Africains ont peu apprécié la politique du fait accompli. “Nous sommes en train de nous organiser, avec un processus de consultation avec les principaux pays africains”. L'argument est simple, l'Africom ne veut pas du “leadership” africain mais se veut plutôt comme un support et un appui “aux principaux Etats africains et aux institutions africaines, Union africaine, les communautés économiques régionales, ainsi que leurs branches sécuritaires” afin de parer aux difficultés. “Nous pensons et nous estimons que les problèmes africains seront mieux résolus par les leaders africains. Nous croyons aux solutions africaines pour les problèmes africains”, précisera le chef de la délégation US, reprenant ainsi une phrase phare des principaux initiateurs du Nepad. “Nous sommes intéressés à apporter notre appui là où c'est opportun et adéquat en complément aux efforts faits par les dirigeants africains”. Et pour ce faire, les USA se font même rassurants sur la pierre d'achoppement. “Il n'y aura pas de nouvelles forces. Il n'y aura pas de nouvelles bases en Afrique”, dira le responsable américain. Il n'y aura pas non plus de participation ou d'intégration des forces combattantes américaines en Afrique. Une affirmation qui se veut également une réponse aux inquiétudes suscitées à ce sujet. “Ce commandement sera différent des autres. Il n'est pas conçu pour lutter ou mener une guerre…” Sa mission principale sera de travailler, selon le chef de la délégation US, avec les pays partenaires et les institutions africaines pour leur permettre de “renforcer leurs capacités afin de relever leurs propres défis et résoudre leurs problèmes”. Il s'agit, pour Ryan Henry, de prendre les mesures par “anticipation”. Une manière d'éviter que “les problèmes ne deviennent des crises et des crises des conflits”. En somme, mettre en place un “environnement sécurisé” en travaillant de concert avec les pays du continent. Et il ne faut pas y voir d'autres intentions selon lui. L'Africa Command, basé en Afrique, sans siège important, mais dont les éléments seront dispatchés sur plusieurs pays, sera dirigé, selon Ryan Henry, par un général 4 étoiles ou un amiral, “le plus haut niveau de la hiérarchie militaire”, uniquement chargé de la politique américaine sur le continent, il sera secondé par un ambassadeur de haut rang ou un très haut fonctionnaire du département d'Etat. Il ne sera pas non plus à composante totalement militaire, 25% ou plus de son personnel sera issu des Affaires étrangères. Il ne comprendra pas non plus une présence importante. Et aura pour objectif de “travailler en arrière plan”. Quant au rôle que pourrait jouer l'Algérie ou un autre pays africain dans la conception ou la mise en œuvre de l'Africom, le sous-secrétaire adjoint principal chargé de la politique militaire à la Défense assure que les USA souhaitent que “chaque pays ait le rôle dans lequel il se sent à l'aise ou qui lui convienne”. “Nous estimons que l'Algérie joue un rôle essentiel. Elle abrite d'ailleurs le Centre africain de prévention et de lutte contre le terrorisme. Après les consultations d'aujourd'hui et à venir, et si les Algériens sont à l'aise et souhaitent jouer un autre rôle, nous serons heureux de discuter avec eux de ça”, affirme Ryan Henry. L'objectif étant d'avoir les Africains en “chef de file”. Interrogé sur le malaise suscité en Afrique par l'annonce de création de l'Africom, Ryan Henry met un bémol et affirme qu'il ne s'agit pour l'instant que de “planification”. “Nous n'avons pas encore toutes les questions, donc pas toutes les réponses. Nous allons vers les principaux pays africains, nous leur demandons leurs apports et contributions. La seule décision est celle de l'organisation du commandement pour qu'il soit le plus efficace. En dehors de cela, toutes les décisions qui seront prises, le seront après consultations”. La délégation devrait poursuivre sa tournée entamée hier par Alger en se rendant à Rabat, Tripoli, au Caire, à Djibouti et Addis-Abeba au siège de l'Union africaine. Les Américains se veulent rassurants et espèrent rassurer l'Afrique en l'intégrant au projet Africom. À charge aux Africains de défendre leurs intérêts. Samar Smati