Encore une fois, Rabat cherche à imposer son projet d'autonomie pour les territoires sahraouis en affirmant que c'est le seul moyen de “réaliser la paix dans une région menacée par les organisations terroristes”, alors que ce fléau, qui menace la stabilité interne du Maroc, n'a aucun lien avec le Sahara occidental. Chakib Benmoussa, le ministre marocain de l'Intérieur, est revenu à la charge sur les négociations entre le Maroc et le Front Polisario de Manhasset près de New York, en affirmant, dans son rapport, lors d'une réunion conjointe de la commission de l'Intérieur, des régions et des collectivités locales et celle des Affaires étrangères, des frontières, des zones occupées et de la défense nationale de la Chambre des conseillers, que l'initiative d'autonomie offre une chance pour la paix dans une région menacée par le terrorisme. Selon lui, le projet marocain offre une chance pour réaliser la paix dans une région menacée par les organisations terroristes dont l'influence s'accentue de plus en plus dans les pays sahélo-sahariens, mettant en péril la stabilité et la sécurité dans cette région géostratégique. À en croire ces affirmations, le conflit du Sahara occidental constitue une menace terroriste pour toute la région, et c'est Rabat qui détient la solution à ce problème, laquelle passe inévitablement par son plan d'autonomie. Voilà des conclusions qui occultent les véritables causes du phénomène du terrorisme, notamment au Maroc, où l'activité terroriste est réelle comme l'indique l'intense activité des forces de sécurité locales pour déjouer les nombreuses tentatives d'attentats. Il suffit de prendre connaissance du nombre de Marocains impliqués dans les opérations terroristes en Europe, notamment en Espagne, pour se convaincre de la gravité du fléau chez nos voisins de l'Ouest. Mesurant l'importance qu'accordent les grandes puissances, particulièrement les Etats-Unis, à l'éradication du terrorisme, le Makhzen n'hésite pas à exploiter à outrance cette opportunité pour s'attirer la sympathie et le soutien bien sûr de ces pays. Mais l'argumentaire marocain ne repose sur aucun élément crédible à même de justifier toutes les allégations du royaume alaouite, quant à l'existence de liens entre le conflit du Sahara occidental et l'activité terroriste dans la région du Maghreb. D'ailleurs, les thèses marocaines sont battues en brèche par un document publié récemment par la Fondation pour l'analyse et les études sociales (FAES) que préside l'ancien président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, lequel souligne que “la paix et la stabilité dans la région du Maghreb et les intérêts fondamentaux de l'Espagne demeureront illusoires tant que ne sera pas respecté le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination conformément à la légalité internationale”. Réalisé par Alberto Carnero, directeur du département de politique internationale à la FAES, et David Sarias, historien, analysant la politique actuelle de l'Espagne sur le conflit du Sahara occidental, le rapport en question fait remarquer que ce conflit ne constitue pas un “labyrinthe”, comme le prétendent ceux qui font fi de sa véritable nature, soit un problème de “décolonisation”, sinon une question “politique et éthique” face à laquelle existent deux alternatives. La première de ces alternatives consiste à “appuyer la légalité internationale et œuvrer pour que le Conseil de sécurité des Nations unies fasse en sorte qu'elle soit effective”. Quant à la seconde thèse, elle consisterait à “ignorer cette légalité et retarder la solution du conflit dans l'objectif d'user la capacité de résistance et l'identité du titulaire d'un droit, le peuple sahraoui”. En outre, le document met en garde contre les “conséquences politiques gravissimes” sur le “règlement pacifique” du conflit du Sahara occidental induites par le “plan d'autonomie” marocain, en ce sens que le cessez-le-feu conclu par le Maroc et le Front Polisario en 1991 était conditionné et avait pour finalité l'organisation d'un référendum d'autodétermination. L'analyse met en exergue le fait que le gouvernement socialiste, sans “nier officiellement” la légalité internationale, a appuyé le plan d'autonomie marocain qui part d'une “prémisse illégale”, à savoir que “le Maroc détient la souveraineté sur le territoire et, en exercice de celle-ci, propose de le doter d'une autonomie”. Enfin, le rapport relève que le projet marocain ne pourrait s'insérer dans un cadre légal que dans le cas où il constituerait une “option parmi d'autres” comme l'indépendance ou la libre association, dans un référendum d'autodétermination organisé par les Nations unies pour parachever la décolonisation du Sahara occidental. K. ABDELKAMEL