En rencontrant son homologue israélien dans la capitale française, Mohamed Benaïssa, le ministre marocain des Affaires étrangères, a inévitablement provoqué une vague sans précédent de condamnations et d'interrogations sur les raisons de ce contact officiel entre Rabat et Tel-Aviv. Au Maroc, la rencontre entre Tzipi Livni et Mohamed Benaïssa n'est pas passée inaperçue, elle a même soulevé une vague de protestations sans précédent. La réaction la plus violente est venue de l'Association marocaine de soutien au combat du peuple palestinien et du groupe de travail d'aide à l'Irak et à la Palestine. Dans un communiqué commun, les deux associations affirment que “le peuple marocain a été surpris, et le choc a été violent, lorsqu'il a appris par les médias locaux et internationaux l'information honteuse de la rencontre du ministre des Affaires étrangères du Maroc avec l'un des principaux piliers du terrorisme dans l'entité sioniste”. La même source ajoute : “Ce qu'a fait le Maroc est un comportement idiot et inconsidéré qui n'a aucun lien avec toute sorte de maturité politique nationale ou internationale parce qu'il est honteux et sans aucune perspective.” Pour les signataires du communiqué, “cette rencontre est en contradiction totale avec la volonté du peuple marocain et touche les sensibilités nationales religieuses et humaines des enfants du Maroc qui refusent toute normalisation avec les sionistes et dénoncent avec force toutes les tentatives de pénétration sionistes au sein de la nation marocaine, ainsi que leur présence dans notre pays”. De son côté, Mohammed Al-Andaloussi Benjelloun, le président de l'Association de soutien au peuple palestinien, estime que “le pas franchi par le Maroc est incompréhensible et contribue à diviser l'unité du peuple palestinien”. Avant d'ajouter : “La rencontre Benaïssa-Livni n'est qu'un empressement du Maroc à vouloir doubler les autres pays arabes pour améliorer son image auprès d'Israël.” Quant à la presse marocaine, elle était partagée dans sa réaction sur cet événement qui a bouleversé les Marocains. Si certains titres ont complètement ignoré le sujet, soit par peur de représailles des autorités, soit par autocensure, d'autres ont vivement critiqué la rencontre de Paris. Le journal Al-Massa a fait allusion aux pressions internationales exercées sur le Maroc pour obtenir un soutien dans le dossier du Sahara occidental. Ce soutien passerait par de bons rapports avec Israël, qui peut influer sur la position de Washington dans le règlement de ce conflit. Al-Ahdath rappelle, quant à lui, les précédentes rencontres maroco-israéliennes en prenant le soin de mettre l'accent sur la gêne que ressentaient les responsables marocains désignés pour ces opérations. Le journal a cité l'anecdote d'un haut fonctionnaire marocain en 1986, lequel a été pris d'un profond malaise gastrique à l'aéroport d'Ifrane, où il avait été chargé d'accueillir le chef du gouvernement israélien de l'époque et actuel président de l'Etat hébreu, Shimon Peres. Selon ce titre, “les responsables marocains, qui avaient des contacts avec les Israéliens généralement dans la discrétion totale et parfois publiquement, arguaient d'actes de bonne volonté pour réaliser la paix au Proche-Orient et surtout rendre la mosquée d'Al-Aqsa aux musulmans”. Al-Ahdath n'a pas manqué de s'interroger sur “les dividendes qu'aurait gagné le Maroc à travers ses rapports avec Israël, qui se résument, selon le journal, à presque rien, du moment que le pays n'a bénéficié ni des investissements arabes ni du soutien de Washington dans le dossier du Sahara, lequel se limite à tenir le bâton au milieu”. K. ABDELKAMEL