Dans un entretien à paraître aujourd'hui dans le magazine allemand Focus, l'ex-chef du gouvernement pakistanaise, Benazir Bhutto, met en garde contre le risque d'une révolution islamique dans son pays qui se préparerait dans les madrassas et autres écoles coraniques. Revenant sur les derniers incidents de la mosquée Rouge d'Islamabad, l'ancien premier ministre pakistanais affirme que : “Les militants islamiques préparent une révolution insidieuse, une insurrection simultanée dans les villes.” Selon Benazir Bhutto : “Les incidents de la Mosquée Rouge n'étaient qu'une manière de s'échauffer, en vue de ce qui va se passer si les écoles religieuses ne sont pas désarmées.” Partant de ce constat, elle met en garde contre “les tentatives de former un système ou une armée parallèle” et affirme que si elle était au pouvoir, elle “nettoierait tout quartier général militaire qui, sous le couvert d'une madrassa, stockerait des armes et formerait au combat”. Le sanctuaire est devenu le symbole de l'opposition islamiste au pouvoir du président pakistanais Pervez Musharraf, un allié des Etats-Unis désormais sur la sellette. La mosquée a été rouverte cette semaine par le gouvernement, mais des centaines de fidèles d'imams radicaux sont parvenus vendredi brièvement à s'en emparer avant d'être dispersés par la police. Pour rappel, Mme Bhutto a dirigé le Pakistan à deux reprises dans les années 1990. Elle indique par ailleurs qu'elle “prévoit de rentrer dans son pays entre septembre et décembre de cette année”, malgré les accusations de corruption pesant contre sa personne. Elle est poursuivie pour blanchiment d'argent et risque l'emprisonnement. Affirmant que les accusations de corruption à son encontre “ne sont pas prouvées”, Mme Bhutto rappelle qu'“une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire”. Ces mises en garde interviennent alors que le Pakistan vit une agitation sans précédent depuis les évènements de la mosquée Rouge, dont le dernier fut l'attentat qui a coûté la vie à quatorze personnes, et que les tribus du Waziristan, région montagneuse frontalière avec l'Afghanistan, ont rompu leur accord de sécurité avec le gouvernement. De son côté isolé, et silencieux depuis la fronde de la Cour suprême, Musharraf qui se trouvait vendredi à Abou Dhabi aurait rencontré l'ancien Premier ministre en exil, Benazir Bhutto, afin de conclure un accord augmentant ses chances d'être réélue. La conclusion d'un accord entre les deux paraît donc problématique. Toutefois, à mesure que la position de Musharraf à Islamabad devient plus inconfortable, celle de Bhutto dans leurs négociations se renforce. Si le président est prêt à partager le pouvoir avec la formation politique de Bhutto, le Parti du peuple pakistanais (PPP), il préférerait que Benazir Bhutto reste en coulisses, a-t-on appris de source gouvernementale. Il est fort improbable qu'elle accepte une telle éventualité. Musharraf, qui est encore général, souhaite être réélu tout en restant chef des armées. Benazir Bhutto a estimé qu'il devait se présenter après les législatives, prévues en fin d'année, en tant que civil. K. ABDELKAMEL/Agences