Le dysfonctionnement dans les circuits de distribution fait qu'entre le prix à la source, celui du gros et celui du détail, l'écart est astronomique. Après des années de tentatives avortées de modernisation, l'économie algérienne demeure ainsi marquée par l'instabilité, la fragilité et l'absence de vitalité. Les réformes structurelles annoncées, comme par exemple la mise en place des règles garantissant le fonctionnement d'une économie de marché, des privatisations transparentes, une réforme administrative et des services publics protégeant la collectivité, relèvent plus de l'illusion que de la réalité. Quoi de plus normal pour un pays dont la transition vers une économie de marché semble s'étirer dans le temps, et qui n'a au bout du compte pas encore mis en place les instruments et les mécanismes d'une économie de marché (pas de marché financier, ni de marché foncier, ni de marché de change, ni de marché immobilier…). L'envolée des prix des produits à la consommation ainsi que des matériaux de construction a mis à nu les déséquilibres de l'économie algérienne. Certaines statistiques révèlent que plus de 60% des fruits et légumes ne transitent pas par les marchés de gros. Ils sont écoulés soit sur les marchés parallèles, soit directement vendus aux collectivités locales ou aux transformateurs. L'Algérie ne dispose que de 42 marchés de gros opérationnels. Sur les 42 structures, seulement trois sont dignes d'être nommées marchés de gros. Incontestablement, ces marchés sont insuffisants pour organiser le maillage du territoire national. La décision du gouvernement de construire une cinquantaine de marchés, dont 3 marchés de gros à vocation nationale, 21 marchés de gros régionaux et 25 autres de dimension locale, est intéressante. Pour autant, elle reste insuffisante. Le dysfonctionnement dans les circuits de distribution fait qu'entre le prix à la source, celui du gros et celui du détail, l'écart est astronomique. L'absence de l'Etat encourage la spéculation. Les comportements rentiers reflètent, en réalité, l'incapacité d'agir des structures de régulation et d'arbitrage de l'Etat. Si la hausse des prix de certains produits peut être expliquée par l'envolée des prix des matières premières (la poudre pour le lait et le blé pour la farine et la semoule), pour d'autres produits, le renchérissement des prix défie toutes les théories économiques et n'obéit aucunement à la loi de l'offre et de la demande. L'Etat semble dépassé par les évènements et les instruments de régulation et de contrôle sont inefficaces. Faut-il se désarmer et laisser faire “la main invisible” sans réagir ? Si en économie de marché, il est vrai, les prix sont libres, déterminés par la loi de l'offre et de la demande, l'Etat est interpellé dans son rôle de régulateur afin d'assurer une plus grande transparence des marchés, mieux protéger le consommateur contre toutes formes de dépassement et réduire l'espace de la fraude. La régulation de l'économie par le marché seul conduit à la catastrophe car les plus démunis sont laissés sur le bord de la route si l'Etat n'intervient pas pour équilibrer l'ensemble et lutter contre les injustices. Sur ce point, l'évaluation du marché intérieur révèle de nombreux dysfonctionnements qui sont à l'origine d'un important manque à gagner pour le Trésor public et qui pénalisent les activités régulières et l'investissement et portent atteinte à la concurrence loyale. Ce qui est demandé à l'Etat, en économie de marché, c'est d'assumer ses missions de régulation, de normalisation, de surveillance et de contrôle de la sphère commerciale. Il lui est demandé aussi d'agir indirectement sur la production, à travers des mesures incitatives, pour ne pas dépendre de l'importation ou des monopoles. Malheureusement, nos pouvoirs publics n'agissent que sous la contrainte. Or, le rôle des décideurs est d'anticiper les évènements au lieu de les subir après coup. Tant que les pouvoirs publics ne dépasseront pas cette fâcheuse habitude de jouer au pompier au lieu d'avoir une vision stratégique cohérente pour faire de notre économie une économie compétitive, l'Algérie n'avancera pas. Meziane rabhi