Le Premier ministre turc a exhorté l'armée à se tenir à l'écart de la politique, alors que le processus d'élection du président de la République est entamé par le Parlement. “Les militaires devraient rester à leur place et toutes les institutions devraient agir au vu du mandat qui leur est attribué par la Constitution”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan de l'AKP, le parti islamiste au pouvoir au sujet duquel les responsables réfutent le qualificatif d'islamiste lui préférant celui de conservateur. Le Premier ministre, auréolé de l'écrasante victoire de sa formation aux législatives anticipées, a averti la garante du système kémaliste (la République laïque) en affirmant que la non-implication dans l'armée dans le jeu politique et politicien est la condition première de la démocratie, même si celle-ci a une place “sacrée”, a-t-il pris soin de préciser pour ne pas s'attirer les foudres de l'état-major. Le Parlement a entamé la série de votes pour élire le prochain président de la République, et même si le poulain d'Erdogan, le chef de la diplomatie Abdullah Gül, n'est pas parvenu à obtenir lors du premier tour de lundi la majorité exigée des deux tiers des voix, soit 367 sur 550, il est assuré de passer au troisième tour, le 28 août, pour lequel seule une majorité absolue de 276 voix est requise, l'AKP détenant actuellement 340 sièges au Parlement. Les conditions sont favorables au candidat de l'AKP dont une première candidature au printemps s'était soldée par une grave crise politique, l'armée et les milieux attachés à la laïcité refusant de voir un politicien qu'ils accusent de vouloir islamiser le pays devenir président. La crise avait culminé avec la publication par l'armée d'un communiqué menaçant d'une intervention militaire en cas de non-respect de la laïcité par le gouvernement. Ces mêmes généraux sont restés silencieux depuis l'annonce de la nouvelle candidature de Gül, qui fait suite à la tenue d'élections législatives anticipées le 22 juillet, remportées haut la main (46,5% des voix) par l'AKP. Il faut dire que l'AKP a le soutien et de l'UE, qui a promis d'ouvrir ses portes à la Turquie, et des Etats-Unis, très intéressés par l'expérience des islamistes, d'autant que leur fumeux projet de démocratisation, à la hussarde, des pays du GMO (Grand Moyen-Orient) a échoué avant son application. Mais, est-ce que l'islamisme soft, à la turque, pourra se diluer dans la démocratie ? D. B.