Lors de débats houleux qui ont marqué les deux lectures des amendements, le parti au pouvoir (AKP), majoritaire au Parlement, a réussi à faire adopter deux des trois réformes-clés du projet. Le Parlement turc a voté hier une réforme de la Constitution, ouvrant la perspective d'un référendum d'approbation finale de cet ensemble d'amendements qui, selon ses détracteurs, donnera plus de pouvoirs au gouvernement conservateur face au camp laïque. L'ensemble a recueilli 336 voix sur 550, soit plus que les 330 requis, mais moins que la majorité des deux tiers qui aurait signifié une adoption définitive, sans référendum. Les amendements, qui ont principalement pour effet de limiter les pouvoirs de la hiérarchie judiciaire et de l'armée, deux institutions hostiles au gouvernement, seront maintenant soumis pour approbation au président de la république, qui devrait annoncer un référendum, peut-être en juillet. Le Premier ministre, Recep Tayyip, Erdogan avait déclaré jeudi que cette réforme serait soumise à référendum si elle n'obtenait pas la majorité des deux tiers: «Notre nouvelle étape sera d'entrer en campagne. Nous avons commencé les préparations. Nous nous présenterons à la nation». Le principal parti d'opposition CHP (Parti républicain du peuple) a menacé pour sa part de contester cette réforme devant la Cour constitutionnelle, ce qui pourrait provoquer une crise politique. «Compte tenu des décisions précédentes de la Cour, il y a certaines chances qu'elle annulerait la réforme et stopperait le processus conduisant à un référendum», ce qui inciterait M.Erdogan à avancer les élections législatives prévues en 2011, estime Inan Demir, économiste de la Finansbank, dans une note aux investisseurs. Lors de débats houleux qui ont marqué les deux lectures des amendements, le parti au pouvoir AKP (Parti de la justice et du développement), majoritaire au Parlement, a réussi à faire adopter deux des trois réformes clés du projet. Le Parlement a ainsi accepté de modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature (Hsyk), un organisme qui nomme les juges et procureurs et prend des mesures disciplinaires. Le Conseil s'est souvent opposé à l'AKP, qui est issu de la mouvance islamiste. L'opposition accuse le gouvernement et l'AKP de vouloir modifier la Constitution pour museler la hiérarchie judiciaire et l'armée, institution jadis toute puissante en Turquie. Le gouvernement juge nécessaire de changer la Constitution, écrite dans le sillage du coup d'Etat militaire de 1980, pour s'aligner sur les critères de l'Union européenne, à laquelle la Turquie veut adhérer. Un autre amendement adopté accroît de 11 à 17 le nombre des juges de la Cour constitutionnelle et autorise le Parlement à nommer certains d'entre eux. La Cour constitutionnelle a failli interdire l'AKP, en 2008, pour violation des principes laïques de la République. Mais le Parlement a rejeté un amendement qui aurait rendu plus difficile le processus d'interdiction d'un parti politique. D'autres amendements limitent la juridiction des tribunaux militaires et autorisent les tribunaux civils à juger des militaires, en temps de paix, pour des tentatives de coup d'Etat ou des crimes liés à la sécurité nationale. L'armée a renversé quatre gouvernements en Turquie, depuis 1960. De même, le chef de l'armée et ses quatre adjoints pourraient, dans certains cas, être jugés par la Cour suprême.