La haute hiérarchie militaire et une partie de l'opposition ont boycotté la prestation de serment du nouveau président de la Turquie, Abdallah Gül, un islamiste soft qui a pourtant juré de respecter le caractère laïc du pays d'Atatürk. Le nouveau président, premier à ne pas être adoubé par l'armée garante du kémalisme, c'est-à-dire de la séparation de la politique et du religieux, devait au premier jour de son mandat, mercredi, approuver la composition du nouveau gouvernement présenté par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, dont le Parti de la justice et du développement (AKP) a remporté une large victoire lors d'élections anticipées le 22 juillet. Son accession à la magistrature suprême saluée à l'étranger est accueillie cependant avec prudence dans la presse turque laïque et nationaliste, qui le soupçonne de vouloir islamiser la société turque en catimini, malgré son serment. Sur la scène internationale, l'élection de Gül a été saluée par de nombreuses capitales. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé que la présidence de Gül, qui avait activement œuvré à l'ouverture de pourparlers d'adhésion, en 2005, entre la Turquie et l'UE, pourrait donner un nouvel élan immédiat et positif au processus d'adhésion. Le président américain a, pour sa part, personnellement félicité par téléphone le président islamiste, réaffirmant l'engagement des Etats-Unis au côté de la Turquie, “un partenaire et un allié fort”. Bush, qui a vu son projet de démocratisation du monde musulman (GMO), voit dans la montée des islamistes turcs un exemple à diffuser dans l'aire civilisationnelle musulmane. Le président russe, Vladimir Poutine, a également félicité Gül dans l'espoir de trouver avec lui un meilleur terrain d'entente dans la mer Noire et pour les voies des hydrocarbures. La presse turque exprimait, pour sa part, des réserves, invitant le chef de l'Etat à tenir ses promesses d'impartialité et de respect de la laïcité, condition indispensable, selon elle, d'une réconciliation entre franges religieuse et laïque de la société turque. “Gül, n'oubliez jamais ce serment”, a titré le quotidien libéral Radikal. Gül devra ainsi convaincre les défenseurs de la laïcité, qui, ont juré d'observer avec attention et même avec suspicion, chacun de ses pas, chacune des lois de son gouvernement et chaque nomination. Les milieux économiques semblaient quant à eux plutôt satisfaits de l'accession au pouvoir d'un islamiste. C'est une grande opportunité pour nos milieux d'affaires, a déclaré le puissant patron de la Chambre de commerce. Le CHP, principal parti d'opposition, a lui prévenu, il examinera les faits et gestes du nouveau chef de l'Etat à la loupe. D. Bouatta