L'Opep semble pencher pour le statu quo. Plusieurs pays membres de l'Opep ont laissé entendre ces derniers jours que le cartel allait laisser sa production inchangée lors de sa réunion de mardi, mais l'envolée des prix de l'or noir et la pression des pays consommateurs pourraient infléchir la décision finale. “Il n'y a pas de justification réelle et significative à ce que nous changions (le niveau de) de notre production actuelle”, a déclaré hier le ministre koweïtien du Pétrole par intérim, Mohammad Al-Olaïm, avant de s'embarquer pour Vienne. “Le marché pétrolier est actuellement suffisamment approvisionné”, a renchéri Mohammad Ben Zaën Al-Hameli, actuel président de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Mardi et mercredi, leurs homologues iranien et qatari avaient tenu des propos équivalents. Voix dissonante, le ministre du pétrole de l'Irak, pays non soumis au système des quotas, a déclaré avant-hier que l'Opep examinerait l'opportunité d'augmenter “légèrement” sa production de brut. Le chef de file du cartel, le Saoudien Ali Al-Nouaïmi, déjà arrivé à Vienne, ne s'est pas encore exprimé. La production du cartel s'élève à environ 30,5 millions de barils par jour (mbj), y compris celle de l'Irak et de l'Angola, nouveau membre qui n'a pas encore été doté d'un quota. Les prix du brut flirtent avec leurs records historiques : jeudi, les cours ont grimpé jusqu'à 77,43 dollars le baril à New York, tout près de leur record historique de 78,77 dollars. Sur l'ensemble de la semaine, les cours ont gagné 3,5% à New York et 4,1% à Londres. Ils restent soutenus par une relation tendue entre l'offre et la demande et par des tensions géopolitiques persistantes. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui défend les intérêts énergétiques des pays industrialisés, appelle dans son dernier rapport mensuel, comme elle le fait depuis des mois, le cartel à augmenter sa production de 1,5 à 2,4 mbj pour répondre à la demande hivernale de pétrole, alors que les stocks pétroliers baissent fortement depuis le début de l'été dans le monde. Mais alors que la plus sévère crise financière depuis l'après-11 septembre 2001 secoue les marchés financiers et menace la croissance mondiale, les pays producteurs craignent de voir la demande pétrolière flancher. Ils gardent en mémoire la crise asiatique de 1997-1998 : ils avaient alors augmenté leur production avant de voir les prix pétroliers chuter durablement. L'Opep veut aussi éviter de voir se répéter le scénario du 2e semestre 2006 : les prix étaient alors passés de plus de 78 dollars pendant l'été à moins de 50 dollars le baril à la mi-janvier. Mais un statu quo de l'Opep risque à l'inverse de faire grimper les prix encore plus haut, ce qui pourrait pénaliser une économie mondiale déjà fragilisée par l'impact de la crise immobilière et financière. La demande de pétrole pourrait alors s'en trouver diminuée. Le marché du travail américain s'est contracté pour la première fois depuis quatre ans en août, témoignant de l'actuelle fragilité de la première économie mondiale. D'après le cabinet de consultants spécialisé PFC Energy, basé à Washington, l'Arabie saoudite, premier producteur mondial et seul pays de l'Opep à disposer d'une capacité de production excédentaire significative, étudie avec de plus en plus d'intérêt la possibilité d'augmenter la production du cartel de 500 000 à 1 million de barils par jour mardi, par crainte de voir la flambée des prix étouffer la demande mondiale.