Ce délégué évoque dans cette contribution les contacts entrepris par le gouvernement avec les militants emprisonnés. J'étais en prison avec les autres délégués et citoyens arrêtés lors de la première vague en mars 2002, lorsque nous avions reçu la visite, à plusieurs reprises, d'un émissaire du général Mohamed Mediene, dit “Toufik”, chef du DRS. C'était au mois de juin. C'était juste après que le juge d'instruction en charge de l'affaire nous a envoyé un psychiatre pour essayer de connaître notre état psychologique après presque trois mois de détention arbitraire. Est-ce calculé ? j'estime que le juge voulait peut-être aider l'émissaire dans sa mission de nous faire fléchir intelligemment. En vain. L'émissaire que j'ai rencontré avec Yazid Kaci travaillait pour le compte d'un clan hostile à Bouteflika. Selon lui, Bouteflika ne veut rien donner de plus à la Kabylie, contrairement à l'armée, qui voulait, par le biais de Benflis, satisfaire la plate-forme d'El-Kseur par le dialogue. Il nous a aussi informés que la vague de répression déclenchée le 25 mars 2002 contre le mouvement citoyen était l'œuvre du clan de M. Bouteflika, composé de son ministre de l'Intérieur, M. Zerhouni, et de son chef de cabinet, M. Larbi Belkheïr. D'après lui, c'était ce clan qui cherchait le pourrissement en Kabylie. Il avait dressé un tableau noir de la situation politique, économique et sociale qui prévalait en Kabylie. Voilà en résumé son préambule avant de nous faire sa proposition, laquelle consistait à accepter le dialogue avec M. Benflis en contrepartie de notre libération, l'arrêt des poursuites contre les délégués en clandestinité et la réappropriation du siège de la permanence de la CADC de Tizi Ouzou en rédigeant une déclaration dans ce sens. Bien sûr, nous avions catégoriquement refusé son offre. Nous avions même rendu publique une déclaration à l'intention de la CADC et de la population, à la suite d'un conclave historique tenu à la salle 4 du quartier des prévenus de la maison d'arrêt de Tizi Ouzou avec l'accord de l'administration pénitentiaire. Je n'oublierai jamais, Yazid Kaci était témoin, lorsque l'émissaire, depuis le bureau du directeur de la prison, appela le général major Toufik. Il lui demanda de nous libérer. Le général lui rétorqua : “Pas tout de suite.” L'émissaire voulait même me faire passer Toufik, j'ai refusé sans réfléchir. Pour l'histoire, l'émissaire nous informa que l'armée, en lâchant Bouteflika, allait placer sa confiance en Benflis. Comme je l'ai dit, c'est moi-même et mon ami Yazid Kaci qui avions reçu l'émissaire du pouvoir à trois reprises : une fois dans un parloir ordinaire et deux fois au bureau du directeur de la prison. Mais devant Dieu et devant l'histoire, nous avions informé tous les détenus du mouvement de sa venue, de même que nos familles, nos avocats et notre structure, la CADC. M. M.