La préparation du second mandat de Bouteflika ne serait pas étrangère à cette lune de miel entre Paris et Alger. Le Commonwealth n'est qu'un expédient diplomatique. Eclairage. “Francophonie, nous y allons, comme en vertu du principe de l'ouverture, nous envisageons d'intégrer d'autres espaces comme le Commonwealth”. Sortie de la bouche de Abdelaziz Belkhadem, le ministre des affaires étrangères, lors du sommet de la francophonie qui prend fin aujourd'hui à Beyrouth, cette phrase concise, constitue incontestablement un bouleversement diplomatique pour l'Algérie. Et pour cause, ayant très longtemps tourné le dos à cette organisation qui rassemble toutes les nations francophones à cause des pesanteurs historiques entre l'Algérie et la France, notre pays se réveille subrepticement pour taper aux portes de Paris. Qui l'eût cru ? La francophonie, cet espace jadis subjectivement maudit, devient maintenant une sérieuse convoitise pour l'establishment politique algérien. Ce coup de foudre est étonnant, détonnant, pour un pays qui a préféré s'accrocher à cette haine atavique de l'ancienne puissance coloniale, au détriment d'une vision géopolitique plus porteuse mais surtout moins coûteuse. Soit. S'il est vrai qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, il est tout de même curieux d'entendre un Belkhadem, partisan invétéré de l'arrimage de l'Algérie au train de l'Orient et non celui de l'Occident, s'épancher sur les “bienfaits” de l'éventuelle adhésion à l'Organisation de la francophonie. Mieux, notre ministre que nous ne pouvons soupçonner de sympathie avec la France, se fait fort d'annoncer la détermination de l'Algérie à adhérer à cette organisation et même à d'autres, à l'exemple du Commonwealth. Qu'est-ce qui fait donc courir Bouteflika et Belkhadem ? Qu'est-ce qui a changé dans les rapports algéro-français pour que, subitement, l'on manifeste un intérêt exceptionnel pour cette espace que l'Algérie aurait pu investir depuis longtemps déjà. Rien a priori. Bouteflika avait certes démystifié les rapports de l'Algérie avec le monde francophone lors de son élection en 1999, en faisant remarquer qu'il n'y avait aucun complexe à ce que notre pays rejoigne cette organisation. On croyait alors que l'adhésion était imminente puisqu'elle s'inscrit dans la logique des choses. Mais c'était compter sans la détermination des arabo-baâthistes qui montèrent au créneau pour exiger du “président du consensus” de vite abandonner cette “hérésie”. Depuis, ce dossier est resté clos, jusqu'à cette fameuse invitation qui s'est transformée, mine de rien, en une déclaration d'adhésion. Le mot est donc lâché. Par l'un de ceux qui ont toujours tourné le dos à la francophonie et même à la France tout court. Ce qui confère plus de “sérieux” à l'entreprise. Il y a cependant une subtilité dans la déclaration de Belkhadem. En affirmant vouloir intégrer y compris le Commonwealth, n'est-ce pas une manière bien diplomatique de dompter les éventuels opposants à la francophonie, en faisant passer la chose comme une simple démarche économique dépouillée de tout contenu politique et/ou culturel ? Une sorte de vente concomitante qui ferait diluer l'éventuelle appartenance de l'Algérie à l'espace francophone dans celui anglophone, histoire de tempérer l'animosité des opposants. Qu'est-ce qui ferait, en effet, adhérer l'Algérie au Commonwealth, dans la mesure où elle ne partage pas grand-chose avec les pays qui le composent, y compris la Grande-Bretagne ? Sur le plan géostratégique, il est connu que l'organisation de la francophonie a été, historiquement, une réplique française au Commonwealth britannique, pour des raisons évidentes de sauvegarder leurs zones d'influences respectives. C'est dire que la déclaration de Belkhadem relève plus d'une parade, d'un discours à consommation interne, que d'une réelle vision des choses. L'espace francophone étant par définition l'antipode de l'espace anglophone, Belkhadem et par extension Bouteflika se livrent à ce jeu flou pour cacher le vrai enjeu. Il n'est pas impossible également que ce vif intérêt pour la francophonie ne soit lié à la préparation du second mandat de Bouteflika qui voudrait ratisser large via une lune de miel avec la France, qui ne demande pas plus que cela. H. M.