Bouteflika a lancé ses candides soutiens pour tester la nouvelle de sa candidature. Il faut être Amar Saïdani en effet pour oser annoncer, avec ce toupet que seuls les baathistes de la trempe d'Essahaf cultivent encore, que Bouteflika compte récidiver. Bouteflika a donc décidé de se représenter aux élections présidentielles 2004. Le malheur c'est qu'il est le mieux placé des postulants possibles pour occuper, de nouveau pour ce qui le concerne, le palais d'El Mouradia. Les raisons en sont simples : - Sans être plus courageux, l'actuel président sait que dans son monde politique, c'est au plus gonflé que revient l'honneur de passer devant. La légitimité s'invente après la promotion. - Les hommes politiques du sérail — car il faut faire partie de la secte pour espérer être homologué à une fonction d'Etat — n'ont pas la culture du débat public et de la contradiction ; ils préfèrent les arrangements de boudoir. - Aucun concurrent “homologable” ne viendra affronter Bouteflika sur son bilan ; tous ont activement participé à la coalition du fiasco et à l'accomplissement de cet exploit programmatique : cinq années d'immobilisme. - Dans le système algérien, la carrière des responsables n'a pas de rapport avec leur bilan, sinon il y a longtemps que le sérail national aurait été éradiqué pour son incompétence et ses échecs. D'ailleurs, et si l'on en croit le porteur de nouvelles, Saïdani, les thèmes de campagne pour 2004 n'ont pas changé par rapport à 1999. Bouteflika est un candidat “indépendant” qui justifie son ambition par son projet de concorde, nationale cette fois-ci, et par ses succès diplomatiques. Argument paradoxal à une époque où la diplomatie s'est effacée devant la force au point où Colin Powell lui-même rase les murs à la vue de Donald Rumsfeld. Et comme depuis Essahaf, les frontières de l'outrecuidance ont été repoussées, Saïdani nous apprend que Bouteflika “n'est pas un déserteur”. Il s'autorise à peine parfois de petites traversées du désert de vingt ans, pourrait-on observer! Il nous assène ensuite l'argument imparable : Bouteflika se présentera “eu égard aux questions nationales qui restent en suspens”. Le bouquet ! Un second mandat justifié par le fait que les questions qui se posaient durant le premier n'ont pas été traitées. A ce train, pourquoi se départirait-il, après 2004, de cet immobilisme qui lui assure la longévité politique et un troisième mandat ? On croirait que le promoteur de cette aride et interminable présidence plaisante si nous n'étions pas habitués à être traités en déficients mentaux par ceux qui croient nous gouverner parce qu'ils sont plus malins que nous. Alors qu'ils ne sont que plus irresponsables et, donc, plus cavaliers. Le fait est que ce n'est finalement pas trop grave que Bouteflika renouvelle son mandat. A voir les candidats à sa succession qui pointent du nez, on n'en sera pas mieux loti par l'alternance maison de notre démocratie maison. L'annonce n'a qu'un seul intérêt : ceux que la scène politique intéresse peuvent commencer à compter les retournements de veste. La clientèle qui fait office de classe politique a la volte-face facile. Ses chassés-croisés sont parfois aussi édifiants que spectaculaires. Après avoir perdu bien d'anciens courtisans, le président à nouveau candidat pourrait, à notre surprise, se refaire la popularité dont on le croyait subitement dépourvu. Et ça repart, comme en 14 ! Puisque l'Algérie est condamnée à l'emprise de la médiocrité et de l'opportunisme, autant se régaler du spectacle. Et en parler. M. H.