Les offres des candidats encore en course risquaient d'être moins intéressantes. Le ministère des Finances a annoncé, hier, sa décision de suspendre le processus de privatisation du CPA et, par conséquent, d'annuler l'ouverture des plis programmée pour demain, en attendant, lit-on dans le texte officiel, une meilleure visibilité sur les marchés financiers internationaux. Cinq candidats étaient en course pour l'acquisition de 51% du capital du CPA : les quatre banques françaises BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis et l'américaine Citi Bank. Le ministère motive cette décision par l'impact non encore évalué de la crise internationale des crédits hypothécaires. Il souligne que l'objectif de l'opération est de réunir toutes les conditions de transfert de savoir-faire bancaire, technique, commercial et financier, d'enrichir sa gamme de produits et services, de moderniser ses outils de gestion et de contribuer enfin au développement de tout le secteur bancaire algérien. Telles sont donc les attentes côté officiel algérien de cette privatisation. À première vue, ce n'est pas le bon moment, les conditions ne sont pas favorables pour privatiser le CPA, suggère le communiqué. En fait, les choses se sont emballées ces dernières semaines. L'opération s'est accélérée avec une date-butoir de la remise des offres à la fois techniques et commerciales de chaque candidat fin novembre, alors que l'impact de la crise financière mondiale appelée crise des subprimes a touché de plein fouet et plus gravement certains prétendants à une prise de participation dans le capital de cette banque. Selon des indiscrétions, Citi Bank et le Crédit Agricole plus secouées par la crise ont demandé un report de l'opération. “Il serait sage que la mauvaise vague passe et que les conditions techniques et financières soient meilleures pour permettre aux soumissionnaires de proposer des offres techniques et financières convenables pour le CPA”. En d'autres termes, si ce processus n'allait pas être suspendu, les offres financières auraient été moins disantes. Plus simplement, pas beaucoup d'argent ne serait mis sur le tapis pour reprendre le CPA. Avant, on parlait d'un paquet entre 500 et 2 milliards de dollars pour entrer dans le capital du CPA. Aujourd'hui, on risque de proposer moins. Cette crise fausse, du reste, la compétition puisque certains candidats partent handicapés par l'effet de cette tempête financière. L'impact de la crise des subprimes sur les grandes banques internationales Les grandes banques internationales se sont engagées sur le marché des crédits hypothécaires accordés aux Etats-Unis à des clients les moins solvables (et ont connu des défauts de paiement). Ils ont été obligés de provisionner. Ils ont donc essuyé des pertes. Cela a réduit leurs fonds propres et les a obligés à ralentir la croissance de leur bilan (en termes simples notamment de leur chiffre d'affaires), donc l'octroi de crédits. Seconde conséquence : cette crise a eu pour effet de réduire leur rentabilité, et l'effondrement des cours des actions de ces banques à la Bourse. Troisième conséquence : elle a entraîné une crise de liquidités. “Ce qui a obligé les banques centrales à mettre à la disposition de ces banques des liquidités, pour éviter leur effondrement”, explique un expert. Ce dernier a ajouté que les banques américaines et allemandes ont été les plus touchées. Citi Bank, candidate à la privatisation du CPA, compte parmi les plus touchées. Les banques françaises sont relativement moins affectées. Cependant, Natixis a dû la semaine dernière opérer sa recapitalisation. Crédit Agricole est la plus touchée par la crise parmi les banques françaises. Des pertes colossales Selon des estimations, les pertes dues à cette crise seraient de l'ordre de 500 milliards de dollars pour les banques internationales. Tout cela explique pourquoi les autorités financières du pays préfèrent attendre. Car cette crise exogène pourrait affecter davantage la santé financière de certains candidats à cette privatisation. À noter que le CPA détient plus de 10% du marché bancaire algérien. Doté d'un capital de 29 milliards de dinars et d'un portefeuille de crédits de 135 milliards de dinars, elle est considérée comme une “bonne banque”. Sa privatisation longtemps retardée (entamée au début des années 2000 et relancée à l'automne 2005) a comme avantage de fouetter le système bancaire national en contribuant à sa modernisation et à l'instauration d'une sérieuse concurrence, à même d'améliorer les services au profit de la clientèle. Elle fonctionne comme signal à l'investissement étranger dans le secteur. Mais laisse pendante la question de l'avenir du secteur bancaire étatique ou à capitaux nationaux. N. Ryad