Maladresse n En se contentant d'un communiqué laconique pour rendre publique une décision extrêmement sensible, la responsabilité du ministère délégué à la Réforme bancaire est entière dans la propagation de la rumeur. Tel un couperet, la nouvelle est tombée. Le CPA ne sera pas privatisé. Du moins pas pour le moment. Un communiqué laconique des services du ministère des Finances, rendu public dans l'après-midi de samedi, met en veilleuse un processus lancé il y a deux ans et qui allait inexorablement vers son aboutissement. C'est, en effet, hier, lundi, que devait avoir lieu l'ouverture des plis des offres techniques des banques intéressées par la reprise de 51% du capital de la banque publique. Six grandes banques mondiales étaient en lice et une concurrence farouche apparaissait en filigrane entre Français et Américains pour prendre le contrôle de la première banque publique algérienne proposée à la vente. La privatisation des banques publiques est un élément charnière dans le vaste chantier de la réforme bancaire et financière entamé en 2001. Le choix s'est porté sur le CPA pour une raison simple : c'est la banque publique algérienne qui présente la meilleure situation financière et comptable en sus du fait qu'elle soit une banque qui concentre ses activités dans le secteur de la PME -PMI avec une clientèle essentiellement privée. Une banque d'affaires française de renom est sollicitée en février 2006 pour accompagner le CPA dans l'entreprise de l'ouverture de son capital et un cahier des charges des plus drastiques est élaboré. Au-delà de l'aspect financier, les critères «d'éligibilité» arrêtés sont, en effet, sévères et laissaient entendre que la banque ne sera pas cédée au premier venu. Ce qui n'a pas empêché les grands noms de la finance internationale de se bousculer au portillon. Au bout du premier tri, seules six banques, dont quatre françaises sont préqualifiées : le Crédit Agricole, Natixis-Banque Populaire, BNP-Paribas, Société Générale (France), Citibank (Etats-Unis) et Santander (Espagne). Les différents reports du délai de remise des offres soulèvent moult interrogations. Et quand l'espagnole Santander fait marche arrière et annonce publiquement son retrait de la course à la reprise du capital de la banque algérienne, les observateurs se mettent à douter que quelque chose ne tourne pas rond dans l'opération. Le ministre des Finances et tous les intervenants dans le processus, à leur tête le P-DG du CPA, M. Djellab, s'empressent de rassurer l'opinion publique et les partenaires de l'Algérie en fixant les dates définitives de la remise des offres et de l'ouverture des plis. 48 heures avant l'échéance, sans préavis aucun, la décision de suspendre, non seulement l'opération de remise des offres, mais le processus de privatisation de la banque dans sa globalité, est rendue publique. Il ne subsiste alors plus aucun doute dans l'esprit des observateurs, déjà sceptiques : il y a bel et bien anguille sous roche. Les commentaires vont bon train et les supputations évoquent tantôt la sempiternelle lutte d'influence entre Français et Américains – surtout que la décision survient quelques jours seulement avant la visite du président français –, tantôt une intervention de dernière minute du président de la République qui aurait été «induit en erreur par de faux rapports sur la santé financière réelle de la banque». Il faut dire ici qu'en rendant publique une décision aussi «sensible» par le biais d'un communiqué de quelques lignes repris par l'agence officielle, la responsabilité du ministère de tutelle est entière dans la tournure prise par la rumeur et les supputations. L'affaire n'aurait, en effet, jamais débordé du cadre technique et financier si les services du ministère délégué à la Réforme financière et bancaire avaient pris la peine, en temps opportun, de dévoiler les véritables raisons qui ont amené le gouvernement à surseoir au processus. Il n'est cependant jamais trop tard pour bien faire, dit l'adage.