Rien ne va plus entre le Maroc et le Sénégal, suite aux déclarations de soutien au Front Polisario de l'ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères Jacques Baudin au nom du Parti socialiste de ce pays, dans lesquelles Rabat voit un geste “hostile”. En déclarant à Tifariti lors du douzième congrès du Front Polisario que les Africains ont “le devoir moral de soutenir les peuples qui luttent pour leur liberté”, et que la lutte du Front Polisario “sera inscrite au fronton du Panthéon de tous ceux qui combattent pour arracher leur dignité”, Jacques Baudin, du Parti socialiste sénégalais, a déclenché une véritable crise diplomatique entre le Maroc et le Sénégal. En effet, le royaume marocain a procédé au rappel temporaire, pour trois jours, de son ambassadeur à Dakar, en jugeant ces déclarations hostiles. Rabat a jugé les propos de l'ancien chef de la diplomatie sénégalaise “contraires aux liens séculaires qui existent entre les deux pays”. Pourtant, le Parti socialiste sénégalais n'est représenté ni au gouvernement ni au Parlement. Il faut dire qu'une certaine tension est apparue ces derniers temps entre les deux pays “amis”, particulièrement sur les questions commerciales. Si l'on observe un silence total du côté officiel sénégalais, il n'en demeure pas moins qu'on estime que “quelle que soit la position du PS, elle n'a pas de portée en dehors des cercles intellectuels” et ne devrait pas provoquer de conséquence diplomatique. Certaines sources ont même fait part de leur incrédulité et jugent le prétexte insuffisant, pour justifier une telle réaction. Elles considèrent également que le rappel du diplomate, qui se trouvait déjà au Maroc mercredi, est probablement motivé par d'autres griefs, notamment au regard de tensions récentes entre Dakar et Rabat sur deux importants dossiers commerciaux. En effet, le premier accroc est survenu fin octobre avec l'annonce par Dakar de la prise du contrôle par l'Etat d'Air Sénégal International (ASI) aux dépens de l'actionnaire majoritaire actuel, Royal Air Maroc (RAM), dont la “gestion a montré ses limites”, selon Dakar. Le 14 décembre dernier, le président sénégalais Abdoulaye Wade avait annoncé que Dakar retirait la gestion du bateau assurant la liaison Dakar-Ziguinchor à la Société maritime de l'Atlantique (Somat, Maroc) au profit d'une société sénégalaise. Ainsi, Rabat, qui s'est bien gardé de contester officiellement ces décisions, a attendu un prétexte pour manifester son mécontentement face aux décisions prises à l'encontre de ses sociétés par le Sénégal. C'est l'avis de l'auteur des déclarations, ayant provoqué l'ire du Makhzen, qui estime qu'“il y a forcément quelque chose de sous-jacent” dans le rappel de l'ambassadeur. Jacques Baudin a confié sa “surprise d'une profondeur insondable” face à l'ampleur de la réaction marocaine. Jacques Baudin a tenu à rappeler que “pendant longtemps, les Marocains ont été défendus par les Sénégalais, notamment dans le cadre de l'Union africaine (UA)”. C'est dire la position intenable du Maroc sur la question sahraouie, qui ne cherche que des prétextes pour rompre avec quiconque n'épouse pas ses thèses colonialistes. K. ABDELKAMEL