Ce n'est pas moi, c'est les autres. Une phrase qui peut résumer les deux interventions de Saïd Barkat, le ministre de l'Agriculture, hier matin au siège de son ministère. La première était au début de la réunion des cadres de son département pour l'évaluation de l'état de mise en œuvre du PNDAR (plan national de développement agricole et rural) et la seconde était juste après dans une conférence de presse. Tout en insistant sur le bien-fondé de “sa” politique agricole, le ministre a aussi encouragé les cadres de son département à continuer sur la même voie : “En 2000, on avait décidé qu'il fallait que ça change. Sept ans après nous pouvons parler à l'aise (…) nous n'avons pas à rougir, bien au contraire.” Défendant avec véhémence son bilan, Barkat a martelé que toutes les difficultés que son secteur “subit” sont dues à des paramètres “exogènes”. Ainsi, pour expliquer la crise touchant les céréales, il a cité entre autres les changements climatiques, la situation géopolitique et économique mondiale: “Il ne faut pas voir seulement à notre niveau. Voyez l'Union européenne qui devient importatrice alors qu'elle était une grande exportatrice. Ils sont en train d'enlever les subventions à l'exportation. L'Inde et l'Ukraine deviennent aussi des importateurs. Ceci ne pouvait que faire augmenter les prix sur les marchés mondiaux.” Il n'omettra pas de mentionner l'importance que prennent les biocarburants en tant qu'énergie renouvelable dans plusieurs pays : “Ce qui ne peut qu'influencer négativement sur les marchés mondiaux des céréales” avant d'“arriver” jusqu'à la Chine incriminée elle aussi : “Avec une population de 1,3 milliard ce pays a changé son riz par les céréales”. La hausse des prix du pétrole a été aussi rappelée : “Même si je ne suis pas un économiste, il faut savoir que plus les prix du baril augmentent, plus la valeur du dollar diminue et du coup les prix des produits alimentaires sont au plus haut”. Insistant sur les grands succès enregistrés depuis 2000, le ministre notera que cela ne suffit pas encore en évoquant “le volume” de la consommation qui a accru. Allant dans le même sens, et pour expliquer que l'agrandissement des villes qui touche parfois à des terres agricoles, tout autant, il n'hésitera pas à déclarer : “Ce n'est pas ma faute si on enfante de plus en plus.” Par contre, il réaffirmera que le gouvernement continuera à soutenir les prix des produits de base : “Ce n'est pas du populisme, ni du social gratuit mais on doit sécuriser notre population, surtout la classe moyenne et les ménages à faibles revenus.” Même s'il ne l'a pas déclaré ouvertement, Barkat a remis en cause le travail des autres départements : “Le ministère de l'Agriculture est responsable de la production, et de la qualité de la production”, en mentionnant que les autres étapes de la chaîne incombent aux “autres”. Evidemment c'est le ministère du Commerce qui semblait le plus visé surtout lorsque l'exportation a été abordée : “Importer c'est facile, exporter non. On ne sait pas encore le faire.” Une attaque qui en dit long sur ces interminables dysfonctionnements intergouvernementaux que le pays “subit” à son insu. Naturellement le ministre a beaucoup défendu le PNDAR. Lancé en 2000, et après 340 milliards de dinars engloutis (soit en moyenne près de 50 milliards par an), Barkat a énuméré en détail les exploits réalisés que ce soit par rapport aux SAU (superficies agricoles utiles), la protection des ressources ou encore le développement des infrastructures rurales. Une autosatisfaction d'autant plus forte (toujours selon lui) que son département n'est classé qu'à la 12e place parmi les ministères dans l'octroi des budgets : “Malgré cela dans l'agriculture lorsque l'Algérie investit 10 DA elle en a récolté 100 DA”. En abordant les problèmes de la patate et du lait, il axera surtout sur les avancées réalisées tout en s'en lavant les mains naturellement des problèmes que le citoyen endure. Toutefois, il n'omettra pas de rappeler : “Pour aller vers une autosuffisance, ne serait ce partielle, il faut un effort collectif de réflexion”… et, entre temps, le marché dicte sa loi… Salim Koudil