S'agit-il d'un règlement de comptes franco-français ou d'une nouvelle tentative pour faire renaître le fameux “qui-tue-qui” ? L'hebdomadaire parisien aux sources des services français, le Canard enchaîné, vient de remettre sur la scène l'affaire Mecili vingt après son enterrement. Le juge d'instruction parisien Baudoin Thouvenot a signé le 7 décembre deux mandats d'arrêt internationaux contre l'assassin présumé, un “petit truand”, et son “commanditaire”, sur lequel des soupçons s'étaient portés à l'ouverture de l'enquête sur la mort de l'avocat proche d'Aït Ahmed, assassiné en 1987 à Paris. Dès le début, la justice française avait pointé du doigt les services secrets algériens mais, probablement, sans preuves tangibles, la piste devait être vite abandonnée. À l'époque, la presse française a parlé de “raisons d'Etat” et surtout de crainte d'un remake de l'affaire Ben Barka, un opposant marocain assassiné également à Paris et dont l'enquête admettra bien plus tard la connivence des services français. Le dossier Mecili devait être rouvert en 2003, à la suite de la publication d'un opuscule témoignage, présenté en son temps par la presse française et les promoteurs de la propagande du “qui-tue-qui ?” comme le brûlot contre le “pouvoir militaire en Algérie”, d'un ancien officier subalterne des services algériens, réfugié politique en Allemagne : Mohamed Samraoui dont le nom devait réapparaître en automne avec son arrestation à Madrid qui, au lieu de le transférer à Alger où un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui, a préféré le renvoyer dans son pays d'asile. Comme s'il n'était pas sûr de la réouverture de son dossier, le juge français a annoncé qu'il s'attend à des difficultés de la part des autorités judiciaires françaises, soucieuses, selon lui, d'éviter une crise diplomatique avec Alger, précisant que son présumé accusé est en poste au sein de l'ambassade d'Algérie en Allemagne. Le parquet de Paris a déjà signifié au juge que la délivrance de ses mandats “ne s'impose pas”. D'où les fuites diffusées par le journal satirique parisien et reprises par l'ensemble des médias français. Et, toujours selon le Canard enchaîné, le premier serait en Algérie et le second en poste au consulat d'Algérie à Bonn, en Allemagne. Le 7 avril 1987, l'avocat d'origine algérienne, Ali Mecili, a été assassiné de trois balles dans le hall de son immeuble, au cœur de Paris. Dès l'annonce de sa mort, Hocine Aït Ahmed, l'un des chefs historiques de l'indépendance, alors exilé en Suisse, avait accusé les services spéciaux algériens d'avoir commandité l'assassinat. Mecili, réfugié en France depuis la destitution du président Ahmed Ben Bella en 1965 par l'armée sous le couvert de redressement révolutionnaire, faisait office de porte-parole du FFS, à l'époque dans la clandestinité car interdit en Algérie. Deux mois plus tard, les policiers français arrêtaient à Paris l'auteur présumé de l'assassinat qui sera expulsé vers l'Algérie avec sa concubine, à la demande du ministère de l'Intérieur français alors dirigé par Charles Pasqua. En 2003, le même Thouvenot se rapproche de Samraoui, qui lui affirme avoir assisté en Algérie à la remise, d'une grosse somme d'argent pour l'assassinat d'Ali Mecili ! La question reste pourquoi déterrer l'affaire aujourd'hui surtout, et le juge lui-même l'a implicitement avoué, il n'y aurait pas de nouvelles preuves ? Affaire franco-française ou contentieux franco-algérien ? En attendant, la veuve de Mecili s'est félicitée de “ce début de la réparation de la forfaiture française” qui a consisté à relâcher l'assassin. D. Bouatta