Même si le renforcement du dispositif sécuritaire mis en place paraît assez dissuasif à la faveur des barrages de contrôle dressés au niveau des points connus des trafiquants, on ne peut dire que le phénomène est maîtrisé. Loin s'en faut. Les quantités de saisies opérées presque quotidiennement ne reflètent pas la réalité tant les méthodes sont éternellement revues et corrigées du trafic au niveau des frontières. Il est vrai que les efforts méritoires des corps de sécurité et des douaniers ont eu des résultats probants ces dernières années, en attestent les chiffres faisant état de saisies importantes. Dans un bilan communiqué par la subdivision des douanes de Maghnia, la valeur de la marchandise saisie durant la période allant de janvier à novembre 2007 a atteint 63 milliards de centimes, alors que les amendes relatives sont de l'ordre de 387 milliards pour 1 502 affaires constatées. En matière de lutte contre les stupéfiants, on note la saisie globale de plus de 8,5 quintaux pour une valeur de 33,4 milliards. Le trafic de carburants est concerné par la saisie de 600 000 litres pour une valeur de 830 millions. 253 véhicules saisis pour un montant global de 12 milliards. Le subdivisionnaire des douanes, Karim Mensour, commente que les saisies ont connu une hausse par rapport à 2006 qu'on pourrait expliquer par le renforcement du système de contrôle au niveau des postes-frontières et des barrages dressés sur les axes et chemins empruntés par les contrebandiers. Cependant, ces derniers qui ne dorment que d'un seul œil et mus par l'esprit maléfique de nuire à l'économie nationale ne semblent pas désarmer devant cette volonté qui leur barre la route. La prédation foncière De petite ville frontalière dans les années 1970, Maghnia a pris une ampleur telle qu'elle pourrait dans peu de temps aspirer au statut de wilaya. C'est dire que les chantiers de construction qui vont bon train ne connaissent aucun répit. M'samda, Ouled Charef, Akid-Lotfi, Ouled Kaddour Lekfef. Des agglomérations montées en deux temps, trois mouvements dans les périphéries ouest, nord-ouest et sud-ouest de la ville. Un véritable massacre sur des terres agricoles s'étendant sur près de 3 000 ha. Le mode opératoire de ces prédateurs fonciers n'est pourtant pas sorcier. Oser, toujours oser, en profitant de l'absence ou plutôt de la complicité de certains fonctionnaires de l'Etat. Il suffit pour cela de s'organiser en association de malfaiteurs. Une bande de voyous et de repris de justice encadrés par un caïd prend possession d'une superficie avant d'être refilée quelque temps après à des salafistes connus pour continuer à verser dans la contrebande et le trafic en tous genres. À la suite de cela, rien de plus facile que de faire appel à ses “connaissances” auprès des collectivités locales et autres services compétents pour boucler la bombe en régularisant la situation par de faux actes. Quand il s'agit de lots de terrain importants, le coup de pouce de notaires véreux n'est pas de trop. Sinon comment expliquer la prolifération de ces constructions estimées actuellement à plus de 15 000 ? Et qu'est-ce qui fait que la demande est sans cesse croissante en bâtisses alors que le mètre carré de terrain vaut dans la région entre 10 000 et 20 000 DA, un prix qui avoisine celui du foncier dans les plus belles communes d'Alger ? Pour servir tout simplement de dépôts de contrebande sur une bande située à quelques encablures de la frontière. Une aubaine pour les trafiquants. L'acquéreur, nous dit-on, n'y habite pas. Il reste à l'abri des “curieux”. En revanche, sa maison est gardée par un étranger à la ville qu'il aura ramené des coins reculés. En somme, tout le monde trouve son compte. Bien sûr certaines familles honnêtes n'ont pas hésité à attirer l'attention des autorités sur ce phénomène grave. Les doléances enregistrées sont en effet suivies d'application en établissant des arrêtés de démolition. En réalité, il ne s'agit que de trous pratiqués dans les murs. La démolition n'aura jamais lieu. Un acte fait par acquit de conscience. Point. Quant au reste, il faut savoir se montrer patient pour que l'affaire soit sitôt oubliée. Et comme un problème en génère un autre, ces constructions ne connaissent aucune viabilisation. Là encore, on sollicite les collectivités locales. On parle même de détournement de plans communaux de développement (PCD) au profit de ces quartiers anarchiques. Le comble dans ce genre de trafic, c'est que beaucoup de contrebandiers et contrebandières marocains se sont portés acquéreurs de ces constructions cédées à prix d'or pour servir de pied-à-terre et aussi pour pouvoir ouvrir de nouvelles pistes de trafic et de contrebande. Un président d'une association locale a soulevé la question avec un peu plus de tact en s'interrogeant sur l'acquisition de ces constructions particulièrement par des salafistes : “Qui prouve qu'elles ne servent pas de base arrière au GSPC ?” Il y a quelques mois, plus de 6 000 détonateurs et une importante quantité de fusils de chasse et de munitions ont été saisis au niveau de cette bande frontalière. De fil en aiguille, on pourrait sérieusement conclure que l'argent récupéré par les transactions illicites pourrait être utilisé dans l'achat d'armes pour approvisionner les terroristes. Certaines constructions sont, selon des sources concordantes, utilisées comme lieux de débauche par des Marocains. Les malheurs de cette région ne se limitent pas à la contrebande. Comme pour enfoncer le clou, une autre catastrophe écologique est venue se greffer aux autres problèmes, provenant cette fois de l'oued Bounaïm (côté marocain), dont les abords comptent plus de 250 tanneries qui y déversent leurs déchets toxiques. L'oued Bounaïm a un prolongement côté algérien, l'oued Mouilah qui, lui, rejette dans le barrage de Boughrara, inauguré en 1977 et alimentant Maghnia en eau potable. Même si une station d'épuration existe, il n'en demeure pas moins que le barrage est sérieusement pollué. A. F.