Il faudra 157 ans aux pays de la zone Méda pour qu'ils se rapprochent du niveau de vie du Vieux Continent. “L'adjectif inaccompli convient bien au processus de Barcelone, en particulier sur le plan économique. Des progrès ont été réalisés, mais sans véritable rupture. Alors que le reste du monde évolue très vite, la Méditerranée semble tarder à sortir d'une certaine léthargie.” C'est du moins ce que relève Bénédict de Saint-Laurent, délégué général d'Anima Investment Network, plateforme multi-pays de développement économique de la Méditerranée, réunissant une trentaine d'agences gouvernementales de développement économique. M. Bénédict de Saint-Laurent souligne qu'il “faut dire que rien ne bouge et que Barcelone serait un échec. La réalité est que le processus se trouve inachevé, comme au milieu du gué”. Ce point de vue d'un observateur de l'Aventure euromed — il a été aussi responsable d'Anima de 2002 à 2007 — répond à certaines questions fréquemment posées. Un objectif majeur de Barcelone, rappelle le délégué général d'Anima Investment Network, sur le plan économique est la convergence entre les deux rives en termes de production ou de revenu par habitant. Chiffres à l'appui, M. Bénédict de Saint- Laurent indique que le PNB réel de l'Europe des 27 représentait près de 23 fois celui de Méda en 1995, mais seulement 12,6 fois en 2007. “Ceci ne suffit pas malheureusement à créer une convergence suffisante à cause de la croissance démographique bien supérieure des pays Méda ; en PNB par habitant, l'écart est de 1 à 7 en réel et de 1 à 4 en parité de pouvoir d'achat”, note-t-il. Avec 6 209 dollars américains de PNB par tête en 2007 (moyenne Méda), la région est au niveau de l'Europe de l'Ouest des années 50, de la Roumanie de 1995, de Chypre et de Malte de 1977. Au rythme actuel, les pays Méda mettront 157 ans pour se rapprocher du niveau de vie de l'Europe. Pour autant, le délégué général d'Anima Investment Network estime que le processus de Barcelone “a produit des effets indéniables”. Il soutient que Barcelone “a préparé les conditions institutionnelles, légales et commerciales d'un développement des affaires”. Barcelone a également représenté “une injection directe de capital avec, entre 1995 et 2006, 8,7 milliards d'euros financés au titre de Méda I et Méda II et près de 15 milliards de prêts de la BEI (Banque européenne d'investissement ou de la Femip (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat)”. Enfin, Barcelone “a probablement joué un rôle positif dans l'accroissement spectaculaire et récent de l'investissement direct étranger, non pas tant par un nouvel appétit des entreprises européennes, restées trop timides, que par la mise en place d'un contexte d'investissement qui a rendu la rive sud plus attractive”. Ce sont surtout les entreprises du Golfe, des pays émergents, de la Chine qui se sont engouffrés dans ce marché aux portes de l'Europe. M. Bénédict de Saint-Laurent, en bon observateur du processus de Barcelone, reconnaît que sur le plan général, les acquis de Barcelone restent pénalisés principalement par le manque de vison politique. “Une zone de libre-échange, c'est bien, encore que celle-ci pèche par une certaine dissymétrie des droits des deux rives, mais le boom économique actuel de la Turquie montre à quel point une pré-adhésion à l'Union, c'est mieux”, souligne le délégué général d'Anima Investment Network. Sur le plan économique, les insuffisances les plus criantes concernent la modestie des moyens du partenariat. “Avec une dizaine d'euros par habitant et par an, on ne peut pas aller très loin. Une banque de type Berd, capable d'améliorer les projets et de donner pleine confiance aux investisseurs, serait extrêmement utile dans le prolongement des missions actuelles de la Femip”, estime M. Bénédict de Saint-Laurent en évoquant aussi “la très faible intégration Nord-Sud et Sud-Sud. L'Europe investit mois de 5% de ses IDE mondiaux dans le Méda, beaucoup moins que les Etats-Unis au Mexique ou que le Japon en Chine. Le délégué général d'Anima Investment Network conclut que le projet d'union de la Méditerranée “peut permettre au processus de Barcelone, quelque peu enlisé, de retrouver le chemin de la réussite”. Meziane Rabhi