Prêt à reproduire le scénario de 2004, quand ses détracteurs et ses opposants ont fait de lui leur cible privilégiée, M. Bouteflika semble bien parti dans la course, qu'il mène actuellement seul, pour prendre de court tout candidat potentiel qui pourrait apparaître sur la scène. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, semble décidé à réactiver ses relais forts, assistés par la société civile, les notables, les partis politiques et les lobbys en prévision de l'échéance de 2009. Et si le chef de l'Etat sortant en 2009 a déjà donné un avant-goût à partir de la capitale du Hoggar, Tamanrasset, en obtenant la première motion de soutien, il est désormais plus que prévisible que les autres régions du pays où il est annoncé répondent à l'appel de Tam en faveur d'un troisième mandat. Du coup, “l'appel de la rue” semble se dessiner à mesure que l'on s'approche de l'amendement de la loi fondamentale qui consacrera le troisième mandat. Un agenda surchargé à l'intérieur… Ainsi, le chef de l'Etat devra incessamment reprendre son bâton de pèlerin pour se rendre dans plusieurs régions du pays. Annoncé dans le Grand-Sud, comme à Adrar, à l'Ouest comme Tiaret, qui a refait à maintes fois sa toilette, à l'Est, Constantine où il avait promis de revenir en septembre dernier, et dans bien d'autres régions de l'Algérie profonde, le locataire d'El-Mouradia voudrait sans aucun doute rééditer le scénario de 2004. Comment ? Et pourquoi ? Ce ne sont guère les opportunités qui manqueraient à M. Bouteflika qui a eu à vérifier de lui-même que c'est à travers les visites “de travail et d'inspection” que “les choses s'éclaircissent” et se précisent mieux et que les populations apprécient la touche politique d'un Président qui n'a pas besoin de se dépenser dans de rituelles campagnes électorales. C'est dire que la stratégie 2004 semble porter ses fruits et M. Bouteflika le sait mieux que quiconque : un élu doit être présent à longueur de son mandat aux côtés de ses électeurs. Un b.a.-ba qui ne pourrait échapper à l'homme qui draine encore des foules à la moindre de ses sorties. Et comme l'appétit vient en mangeant, il laisse le soin et donne carte blanche à ses soutiens et relais pour “s'exprimer” dans une totale “spontanéité”. Sa première sortie de 2008 à Tamanrasset a eu ce mérite : au-delà des pressions exercées sur les ministres pour accélérer la cadence des travaux, quitte à réévaluer le coût des chantiers pour honorer ses promesses électorales de 2004, le Président a pris la température politique. Et sur un terrain qu'on dit “miné”, avec notamment la dégradation du pouvoir d'achat, le retard du gouvernement de Belkhadem à verser les nouveaux salaires à près de 2 millions de travailleurs, ajoutés à un front social en ébullition. Du coup, le chef de l'Etat, mieux placé que ses “détracteurs”, a trouvé un autre terrain pour tenter de désamorcer la crise et de placer le débat sur un autre front. Celui des réalisations achevées, des inspections des chantiers en cours, des inaugurations et des enveloppes à allouer à la faveur de la loi de finances de 2008. Résultat des courses au plan interne : des motions de soutien et le plébiscite inconditionné pour un troisième mandat … Et à l'extérieur du pays L'année 2008 sera également un tournant décisif pour le chef de l'Etat pour tenter de réactiver ses soutiens directs à partir des principales capitales. Fin diplomate, le Président est ainsi annoncé dans le pays du Golfe. Une tournée le conduira dans deux ou trois émirats et qui interviendra avant la fin du mois de janvier, nous dit-on. Mais aussi en Russie où il est annoncé pour une visite d'Etat. Tirant les enseignements du récent ballet diplomatique en Algérie, notamment les visites du président français, Sarkozy, du Premier ministre du Portugal, Socrates, du roi d'Espagne, Juan Carlos, et de plusieurs délégations étrangères (américaines, européennes et africaines), le locataire d'El-Mouradia a bien voulu user de cette stratégie : reculer pour mieux sauter. Et d'aucuns n'ignorent pas que la relance des investissements étrangers en Algérie constitue la pierre d'achoppement de M. Bouteflika. Une philosophie soutenue par la grande majorité des pays, notamment après les attentats kamikazes qui ont ciblé les intérêts de ces pays en Algérie. Lesquels pays ont franchement exprimé leur détermination à rester en Algérie et à maintenir leurs investissements malgré l'appel de la nébuleuse d'Al-Qaïda à s'attaquer aux dernières “poches du colonialisme” en Afrique du Nord. Mais également les pays arabes et africains qui ont eu droit à une année culturelle exceptionnelle, “Alger, capitale de la culture arabe 2007”, et ce, malgré toutes les controverses que cette manifestation a soulevé en Algérie. Là aussi, le chef de l'Etat aura tous les insignes à user de ses soutiens et de ses relais diplomatiques tant dans les pays du Golfe que dans les capitales occidentales. Et ce ne sera certainement pas un fait banal pour amuser la galerie puisque aujourd'hui l'Algérie est “un pays qui compte”, “un pays incontournable”, “un pays qui a son mot à dire” dans la lutte antiterroriste, mais surtout “un pays qui a l'énergie d'émerger vite” avec un baril de pétrole à 90 et 100 dollars. Cela va sans dire que M. Bouteflika compte miser dans la région sachant que l'Algérie joue des rôles importants dans la résolution des conflits frontaliers et la mise à niveau des mécanismes de développement du continent africain. L'effet immédiat attendu par M. Bouteflika au plan externe : attirer plus l'attention étrangère sur une Algérie qui bouge, qui vit et qui sait vivre et un Président avant-gardiste des intérêts de son pays et de ses hôtes. La santé du Président, les bains de foule risqués et “l'appel de la rue” Pour boucler la boucle, le chef de l'Etat semble bien se préparer pour doubler ses concurrents, par ailleurs qu'on ne connaît pas, et anticiper pour mettre un terme aux folles rumeurs qui circulent sur son état de santé. Les professionnels des médias ont eu à constater la manière avec laquelle M. Bouteflika a mené son premier marathon à Tamanrasset et à In-Salah. Infatigable, il s'arrête à chaque site de visite sans donner la moindre impression d'hésiter à aller de l'avant pour rencontrer les notables qui l'ont soutenu, ses relais directs et ses soutiens inconditionnels. Il n'a omis aucun point parmi la quarantaine inscrits dans son programme. Ni le froid glacial, encore moins le climat menaçant de vent de sable, n'ont dissuadé le Président à sauter un quelconque site. Des bains de foule risqués, sur un itinéraire long de 800 mètres, M. Bouteflika est allé écouter de lui-même “l'appel de la rue”. “L'appel de la rue”, un concept concocté par la 3e session de l'instance exécutive du Front de libération nationale en décembre dernier. Ce concept qui sonne comme un appel direct, du déjà entendu en 2004, n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Et c'est justement ce que voulait entendre M. Bouteflika avant de renchérir : “Les choses sont claires !” Et c'est également ce que le Président sortant en 2009 voudra entendre à travers son long périple avant d'annoncer officiellement sa candidature pour la prochaine présidentielle afin de briguer un troisième mandat. En ce sens, le chef de l'Etat ne nage pas à contre-courant. Prêt à reproduire la copie conforme du scénario de 2004, quand ses détracteurs et ses opposants ont fait de lui une cible, M. Bouteflika semble bien parti dans la course, qu'il mène actuellement seul, et à prendre de court tout “candidat potentiel” et tout “candidat lièvre”. Et ce sera sans surprise si, dans quelques jours, l'annonce d'amender la loi fondamentale venait à se confirmer de la bouche même d'un chef d'Etat bien assis sur un fauteuil et pour longtemps. FARID BELGACEM