Il faut 216 jours pour obtenir une ligne téléphonique et 106 pour le permis de construire. Le marché informel, le foncier et l'accès au crédits sont les trois contraintes “sévères” citées par la Banque mondiale dans une enquête sur le climat de l'investissement en Algérie. L'enquête, selon Gilles Garcia, a concerné 526 PME et grandes entreprises, privées et publiques, sur 9 wilayas (Alger, Boumerdès, Blida, Constantine, Annaba, Oran, Tlemcen, Ouargla et Ghardaïa). Les chiffres énoncés dans le document révèlent l'incapacité des pouvoirs publics à appliquer sur le terrain leur politique de promotion des investissements. En effet, d'aucuns estiment qu'en matière de législation, le code des investissements algérien offre beaucoup de facilitations et d'avantages. Mais malheureusement, sur le terrain, les opérateurs économiques, privés et publics, sont confrontés à maintes tracasseries qui font de l'acte d'investir un véritable parcours du combattant. La Banque mondiale, à travers cette enquête, le montre parfaitement. Plus de 40% d'entreprises sont à la recherche de terrains industriels. C'est dire que la question du foncier constitue un véritable frein à l'investissement. L'attente, affirme-t-on, dépasse parfois quatre années. Ce qui fait dire aux experts de la Banque mondiale que la contrainte d'accès au foncier détermine le choix d'emplacement de l'entreprise. Alors que, logiquement, c'est la proximité du marché, les bonnes infrastructures, la disponibilité des matières premières et d'une main-d'œuvre qualifiée que les opérateurs économiques prennent en compte avant de lancer leur projet. Le texte parle d'intervention indue d'organismes publics (Calpi, agences foncières, ANDI, MIR et Domaines) dans le choix d'investissement, de spéculation, de mauvaise gestion des zones industrielles. Par ailleurs, plus de 50% des terrains, pourtant viabilisés, ne sont pas utilisés. Le Calpi d'Annaba, par exemple, a enregistré, jusqu'à avril 2002, 444 demandes de terrain. Le nombre de terrains créés est évalué à 575 (253 en zone industrielle et 322 en zone d'activités). En matière de disponibilité des terrains au niveau de cette wilaya, la Banque mondiale avance le chiffre de 21, en zone d'activités seulement. Parallèlement, 294 lots (104 en zone industrielles et 190 en zone d'activités) ont été distribués mais non utilisés. La question est sérieuse, d'autant que les banques exigent l'hypothèque comme garantie. Ces donnes révèlent à elles seules l'absence de politique du foncier industriel. Concernant les délais moyens pour les opérations bancaires courantes, l'encaissement d'un chèque d'une même banque dans la même ville peut durer plus de deux semaines. Pour l'encaissement d'un chèque d'une banque différente dans une autre ville, le délai passe à 5 semaines. L'ouverture d'un crédit documentaire met deux semaines. Des délais jugés trop lents. L'accès au financement, aussi, n'est pas du reste. Concernant le financement du fonds de roulement, 72,7% des entreprises déclarent avoir recours à l'autofinancement. 11,4% opérateurs économiques seulement sollicitent des banques. La situation est quasiment la même concernant l'investissement. 70,6% des entreprises utilisent des fonds propres. 18,1% ont recours aux crédits bancaires. Par ailleurs, les banques soulignent l'incapacité des entrepreneurs à présenter des projets bancables. Ils évoquent la mauvaise gestion et le manque de transparence. Les banquiers citent aussi comme contraintes la faiblesse du système judiciaire, l'environnement concurrentiel et l'accès à l'information. Sur le plan des services publics, la situation est plus dramatique. Pour obtenir une ligne téléphonique, le délai moyen est de 216,7 jours. Ce délais et de 20,6 jours pour la réparation d'une ligne en dérangement. La satisfaction d'une demande de connexion au réseau électrique peut durer 133,9 jours. Ce qui est encore plus grave, l'enregistrement d'une entreprise met 121,5 jours et l'obtention d'un permis de construction 106,6. Par ailleurs, en 2001, le délai moyen pour dédouaner sa marchandise importée est de 16 jours, alors qu'il n'est que de 3 jours au Maroc. La Banque mondiale propose un plan d'actions par étapes, notamment en ce qui concerne le foncier industriel. Elle propose d'accélérer le recensement et le titrage des terrains d'entreprises publiques (EP) non utilisés et de transférer le titre de propriété à l'Etat. En ce qui concerne les entreprises publiques dissoutes. Gilles Garcia pense qu'il faudrait récupérer les terrains non utilisés partout où cela est légalement possible, ceux par exemple assortis d'un contrat prévoyant la réalisation d'un investissement. Il propose aussi la mise en place d'une taxe significative sur les terrains non utilisés. La Banque mondiale suggère, par ailleurs, de mettre en place un instrument de régulation du foncier et un observatoire à même de définir une politique et un programme de développement du foncier industriel. Du coup, le rôle des agences foncières, du MIR, se limiterait à la réhabilitation et à l'aménagement des zones, dans l'attente que le relais soit pris par les promoteurs privés. M. R.