Réaliser en 2025 ce que la Tunisie, le Maroc et l'Egypte réunis ont réalisé ensemble sur 20 ans est le défi de l'Algérie touristique. La volonté politique existe et le débat est amorcé dès aujourd'hui à Alger. Durant les 17 prochaines années, un gigantesque effort est attendu pour séduire, graduellement, les touristes étrangers afin de les ramener de 20 000 au maximum, actuellement, à 20 millions au minimum par an, dès 2025. Tout l'édifice est à construire car les chiffres de 2007 ne représentent que 0,1% des prévisions pour 2025. À titre d'exemple, ce chiffre de 20 millions de touristes n'a été atteint par une puissance régionale comme la Turquie, qui a bénéficié de sa présence prématurée sur le marché, qu'en 30 ans. La Tunisie a entamé son plan appelé “tourisme qualité 2000” en 1987. Après 20 ans d'efforts, tout en bénéficiant, entre autres, de l'hibernation de l'Algérie et de la Libye ainsi que de la crise au Moyen-Orient, elle ne reçoit que 6,5 millions de touristes par an, dont près de 40% sont des Maghrébins. Même chiffre pour le Maroc. L'Algérie dispose, certes, de véritables atouts qui plaident pour l'optimisme de ses responsables. On cite ses moyens financiers qui n'attendent que leur injection dans l'investissement, la diversité de son “offre soft” à travers ses déserts, ses plages ainsi que son patrimoine culturel et archéologique. Les derniers investissements dans les projets structurants, comme les routes, les aéroports, les ports, les télécommunications, les énergies et les barrages sont un autre atout. L'irruption tardive de la destination Algérie sur le marché mondial lui fera l'économie des mauvaises surprises assumées dans le passé par les autres pays voisins, premiers venus dans le paysage. Passer du nombre des baigneurs au nombre des nuitées. Toute étude de marché quel que soit son initiateur, une administration ou un investisseur potentiel repose sur des statistiques plus ou moins fiables. Dire que telle wilaya a reçu 5 millions de touristes et une autre 30 millions, c'est admettre la présence d'un marché avec une telle demande qui n'attend qu'une offre pour répondre à ses besoins. Un investisseur potentiel se demandera quelle sera sa part de ce marché au risque de faire un flop. C'est aussi le cas pour le suivi des réalisations des prévisions de 2025. Ainsi, l'un des défis que s'imposent les responsables du secteur est d'amener les Directions du tourisme de wilaya à publier à l'intention de l'opinion publique, aux investisseurs, aux chercheurs et aux autres administrations les données qui leur parviennent des hôtels classés et agences de voyages et non de ceux de la Protection civile faisant l'amalgame entre nombre de touristes et rotation des baigneurs sur les plages. Pour le moment, seules les statistiques des services de sécurité restent crédibles. Le secteur peut se baser sur les chiffres de la Police des frontières en attendant de peaufiner son propre système. Saharien ou balnéaire ? En donnant la priorité au tourisme saharien, les pouvoirs publics vont placer la barre très haut. L'Algérie s'attend, ainsi, à recevoir au moins 10 millions de touristes dans le sud du pays sur une période de 3 à 4 mois par an. Pour y faire face, il faut, en 2025, mettre sur le marché une offre de 1 million de lits, soit installer près de 1 000 hôtels type El-Aurassi dans le sud du pays. À ce stade, il faut convaincre les gros investisseurs sur le rendement de ces infrastructures, de véritables usines. À cela s'ajoute la question de l'environnement qui est à prendre en considération par les décideurs dans les prochaines années. Y a-t-il un tourisme sans compagnies low coast ? La rencontre d'aujourd'hui permettra de soulever, avec sérénité, le problème des transports et de débattre de la place des low coast dans le développement de la destination Algérie. Selon une réglementation toujours en vigueur, le touriste venant en Algérie est tenu de payer son titre de transport en devises et dans son pays d'embarquement. Autrement dit, il doit obligatoirement passer par un agent installé dans le pays émetteur. Du coup, 80% du forfait sont dépensés… hors de nos frontières. L'occasion est de se demander quel est l'impact d'un tel tourisme sur les économies locales. Les gouvernements algériens ont tous été sensibles à cet élément. Tous les professionnels s'accordent à dire que sans les low coast, ces compagnies aériennes à bas prix, il est impossible de présenter sur les marchés un produit concurrentiel. Les pavillons nationaux de la Tunisie et du Maroc disposent de leurs propres filiales à bas coût. Elles sont leur fer de lance pour la conquête des nouveaux marchés, et malgré cela, les professionnels de ces deux pays ne sont pas toujours satisfaits. Comme pour les autres secteurs de l'économie, si l'Etat doit subventionner le transport algérien, il doit le faire directement, soit aux consommateurs et producteurs, dont les tours-operators, et non aux entreprises de transport. C'est une règle économiquement saine et compatible avec les règles de l'OMC. Les responsables algériens seront sensibilisés par ceux du secteur touristique sur la partie fiscalité. À titre d'exemple, si 20 000 000 de touristes achètent un billet Paris-Alger-Paris pour 250 euros le titre, la destination Algérie fera bénéficier le Trésor français d'une cagnotte fiscale annuelle d'au moins 850 millions d'euros. C'est ce que l'Algérie perdra ! Amener le secteur du transport à ouvrir le ciel algérien aux low coast et régler la question des paiements est un défi du secteur du tourisme car, sans cela, l'objectif 2025 sera impossible à atteindre. Mourad KEZZAR