Donnant l'impression d'emboîter le pas aux Etats-Unis, la Commission européenne a soumis, hier, aux Etats membres une série de propositions visant à rendre opérationnel à l'horizon 2015 un fichier de tous les étrangers qui visiteront l'Union européenne pour mieux lutter contre l'immigration illégale et le terrorisme. Un registre central des entrées et des sorties des visiteurs étrangers sera créé par l'Union européenne dans la perspective de suppléer l'incapacité de ses services de sécurité à venir à bout de l'immigration clandestine et du terrorisme. La proposition est venue du commissaire italien à la justice et aux affaires intérieures, Franco Frattini, lequel suggère la mise en place d'un tel service pour collecter des données biométriques — photographie numérique, empreintes digitales, forme et couleur de l'iris — et des données personnelles des ressortissants des pays tiers. Le stockage de ces données personnelles dans le registre européen ne devrait pas excéder cinq ans. Il est également envisagé une autre proposition complémentaire prévoyant une “autorisation électronique de voyage”. Selon l'initiateur de ce projet, ces nouveaux instruments visent essentiellement les quelque 8 millions de personnes résidant dans l'illégalité dans l'Union européenne. Frattini se base sur les données de 2006, qui indiquent que “près de la moitié sont entrées légalement” avec un visa. À titre d'exemple, deux ressortissants américains ont ainsi été arrêtés cette semaine en République tchèque pour défaut de visa et sont en instance d'extradition. Pour information, la République tchèque et les autres nouveaux membres de l'Union européenne issus de l'ancien bloc soviétique sont soumis à une obligation de visa aux Etats-Unis, contrairement aux anciens pays membres de l'Union, comme la France ou l'Allemagne. Franco Frattini espère que ce projet pourra être opérationnel en 2015, s'il est approuvé par les Etats membres et le Parlement européen. Sur un ton ferme, il ajoutera : “Nous ne pouvons pas tolérer que des personnes arrivées légalement entrent dans l'illégalité.” Il y a lieu de noter que le système actuel des visas permet de contrôler les visiteurs à leur entrée dans l'Union européenne, mais ne permet aucun suivi, sauf en cas de contrôle de police. Et pour combler cette lacune, le registre que propose Franco Frattini permet de centraliser les données personnelles et physiques des visiteurs, enregistre la durée autorisée pour leur séjour et une alerte serait émise à son expiration. Son coût est estimé à 20 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 6 millions d'euros par an pour sa maintenance. Dans cette perspective, les pays membres de l'Union européenne devraient envisager des investissements de l'ordre de 35 millions d'euros pour s'équiper afin d'utiliser les potentialités de ce registre. Ce projet ne semble pas avoir l'adhésion de tous les députés européens. Certains d'entre-eux s'inquiètent du risque de voir ces différentes mesures attenter aux libertés individuelles. K. ABDELKAMEL