Inédit dans le monde musulman. Les élections législatives au Pakistan se sont déroulées dans la transparence et le parti du président Musharraf s'est incliné. L'opposition a raflé la mise et en mars, elle devrait prendre la tête du gouvernement. Le futur Premier ministre, désigné par les deux partis vainqueurs devrait être nommé en mars lors du début de la session parlementaire. Le choix devrait se porter sur Makhdoum Amin Fahim, le vice-président du Parti du peuple pakistanais (PPP), le mouvement de la défunte Benazir Bhutto, dirigé de facto par son veuf Asif Ali Zardari et arrivé largement en tête aux élections. Ce dernier ne peut pas prétendre à la primature car il ne s'était pas présenté aux élections. Le deuxième vainqueur des législatives, Nawaz Sharif, le chef de la Ligue musulmane du Pakistan devrait s'incliner et chercher des points de convergences avec le PPP, d'autant que lui aussi n'ayant pas concouru aux élections, il ne pourra pas briguer le poste de chef de gouvernement. Le chef du gouvernement pressenti, Fahim, avait été le candidat du PPP, avant de se retirer, à l'élection présidentielle du 6 octobre dernier, à l'issue de laquelle M. Musharraf fut réélu pour cinq ans par le Parlement sortant. Si l'ex-opposition semble s'entendre pour gouverner, elle n'a en revanche pas tranché sur le sort à réserver au chef de l'Etat, au pouvoir depuis un putsch militaire il y a plus de huit ans. Le PPP n'est pas hostile à une cohabitation avec un président Musharraf privé d'une partie de ses pouvoirs de blocage. En revanche, Sharif, renversé le 12 octobre 1999 par le coup d'Etat du général Musharraf et condamné à la prison à vie avant d'être exilé, exige le départ de celui qu'il appelle “le dictateur”. Le président pakistanais a assuré qu'il n'envisageait pas de démissionner, plaidant pour une “coalition harmonieuse”. En fait, Musharraf a fait par avance de la question de son départ un casus belli, lui qui peut dissoudre le Parlement et démettre le gouvernement. Il pourrait encore tenter d'exploiter l'animosité entre les mouvements des deux ex-Premiers ministres ennemis des années 1990, Mme Bhutto et Sharif. Lorsque ce dernier était au pouvoir, il a avait envoyé le candidat du PPP au poste de Premier ministre, Zardari, deux fois en prison, pendant onze années au total. Outre ce passé, pour les analystes et la presse pakistanaise, une cohabitation paraît difficilement durable. D. Bouatta