Le général Musharraf, à la tête du pays depuis un putsch il y a huit ans, s'est félicité d'avoir mis en place une « nouvelle culture de transition douce vers la démocratie ». Ce qui n'est pas l'avis de l'opposition. Désormais, et quoi que fasse le président pakistanais Pervez Musharraf, il sait qu'il sera toujours mal noté, et en politique cela veut dire qu'il devra faire face à l'opposition. C'est ainsi qu'il faut prendre l'appréciation hier, de Mme Benazir Bhutto à l'égard du tout nouveau cabinet de transition. L'ancien Premier ministre a, en effet, estimé que le gouvernement mis en place hier pour organiser les législatives début janvier, n'était « pas acceptable ». Inutile donc, de demander la raison ou de simples explications. Cela fait partie du tout ou rien, fixé par Mme Bhutto qui ne réclame rien d'autre que la démission du président Musharraf, avec qui elle avait noué une alliance de partage du pouvoir, avant de reprendre sa liberté. Une liberté toute relative avec une période d'assignation à résidence, et surtout un retour sur scène de l'opposition, qui manifestement refuse de laisser seule Mme Bhutto représenter ce courant. Mme Bhutto, dont l'assignation à résidence de trois jours a été levée dans la nuit, a tenu sa première conférence de presse depuis Lahore (est). « Ce gouvernement de transition est une extension de la Ligue musulmane du Pakistan-Q (PML-Q, le parti de M. Musharraf) et il n'est pas acceptable », a-t-elle commenté. « Nous ne discuterons pas avec des dictateurs, notre stratégie est celle qui vise à restaurer la démocratie », a-t-elle lancé. Comme il s'y était engagé à le faire, le président Musharraf a mis en place hier, un gouvernement de transition avant les législatives prévues début janvier, et a mis fin à l'assignation à résidence de Benazir Bhutto à quelques heures de l'arrivée d'un émissaire américain réclamant la levée de l'état d'urgence. Le président du Sénat, Mohammedmian Soomro, 57 ans, un ancien banquier très proche du général Musharraf, a prêté serment comme Premier ministre d'un gouvernement de transition, chargé d'expédier les affaires courantes mais surtout, d'organiser les élections législatives et provinciales prévues avant le 9 janvier. Le Parlement a été dissous jeudi à minuit, au terme de cinq années de mandat, une première dans cette puissance nucléaire de 160 millions d'habitants, secouée régulièrement par des coups d'Etat militaires. Le général Musharraf, lui-même à la tête du pays à la suite d'un putsch, il y a huit ans, s'est félicité d'avoir mis en place une « nouvelle culture de transition douce vers la démocratie ». Ce qui n'est pas l'avis de l'opposition que tente de fédérer depuis trois jours l'ancienne Premier ministre Benazir Bhutto, qui réclame, outre le départ du chef de l'Etat, la levée immédiate de l'état d'urgence décrété il y a bientôt deux semaines, et que le président prévoit de prolonger pour « assurer un environnement sécurisé » pour les élections face à la recrudescence des attentats islamistes. L'opposition, comme la communauté internationale, estime que ces élections ne peuvent avoir lieu sous cette loi d'exception, qui limite au strict minimum les libertés les plus fondamentales, notamment celles de s'exprimer et de se rassembler. L'ex-Premier ministre a mis à profit son assignation à résidence pour annoncer la rupture « définitive » des négociations avec le chef de l'Etat et multiplie les contacts pour fédérer une opposition très divisée. Plus de 3 000 opposants, des avocats et des magistrats, demeurent cependant emprisonnés ou en résidence surveillée depuis l'état d'urgence. C'est dans un tel contexte qu'intervient la visite du numéro 2 du département d'Etat américain, John Negroponte, l'adjoint de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, l'une des voix les plus critiques à Washington à l'égard du maintien de l'état d'urgence. Le général Musharraf a été, à maintes reprises depuis 2001, qualifié par le président Bush « d'ami cher » et « d'allié essentiel » dans la « guerre contre le terrorisme ». Washington a fourni depuis, 11 milliards de dollars d'aide essentiellement militaire, au Pakistan. Or, l'Administration Bush a manifesté, quotidiennement et de manière inhabituelle, son impatience à l'égard de son allié depuis l'instauration de l'état d'urgence, estimant qu'il a ruiné les espoirs d'un tandem Musharraf-Bhutto au pouvoir, qui avait toutes ses faveurs. Washington a franchi un pas supplémentaire jeudi soir, quand le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a laissé entendre que les Etats-Unis s'interrogeaient sur l'efficacité du général Musharraf dans la lutte contre Al-Qaîda et les talibans. Plus qu'une simple interrogation. Pour beaucoup, cela serait davantage un verdict. Mais pour quelle alternative ?