À l'est du pays, la grogne est perceptible chez le futur hadji inscrit pour la omra. Agences assaillies, voyagistes désertant leurs comptoirs et, comme c'est le cas dans de pareilles situations, des rumeurs sur d'éventuelles escroqueries. Des milliers de candidats au petit pèlerinage pour la campagne du Mawlid n'ont pu faire, à ce jour, le voyage à Médine. Si les services consulaires saoudiens sont ouverts et assurent leur mission dans des conditions acceptables, ce n'est pas le cas pour le transport aérien. Hier, plusieurs agents de voyages rencontrés à Constantine étaient unanimes pour dénoncer ce qu'ils qualifient de gestion au jour le jour du produit Omra par Air Algérie. “Ce n'est que la veille des départs que les responsables de la programmation du pavillon national nous informent de la mise à notre disposition des sièges”, explique, à bout de nerfs, un voyagiste. “Etant donné que le visa à une validité bien déterminée, nous sommes obligés d'attendre la programmation du vol pour introduire les demandes auprès des autorités saoudiennes”, précise un autre. “Quand la programmation d'un vol nous est notifiée à moins de 24 heures du départ, vous pouvez imaginer toute la cacophonie qui régnera, alors, sur toute la chaîne de montage du produit Omra”, poursuit encore notre interlocuteur qui évite de se rendre à son agence pour éviter la colère de ses clients. Ce cafouillage est non sans incidences sur la qualité et les prix de la prestation offerte au client. Ce dernier est avisé la veille seulement de son départ. La pression sur le service consulaire est aux limites de l'acceptable. Les hôteliers et transporteurs saoudiens, eux, appliquent aux agents algériens des prix majorés du moment que ces derniers n'ont ni le temps ni la lucidité qu'il faut pour négocier les meilleures prestations aux meilleurs coûts. Une véritable catastrophe économique et l'exemple même de l'amateurisme. Ces dernières années, l'approche religieuse du produit a pris le dessus sur l'approche touristique et économique, comme n'ont cessé d'avertir des experts nationaux réputés pour leur maîtrise du dossier et leur franc parler. Selon un confrère, spécialiste en tourisme, “la Omra ne se limite pas à cet ensemble de rituels, c'est un produit dont le montage est assuré par l'intervention de plusieurs acteurs dans une chaîne des plus complexes. Seul le retour des affaires religieuses à leur mission initiale et la réappropriation par la main invisible du marché des autres missions sont à même d'éviter le pire pour les années à venir”. Notre interlocuteur précise que seuls 10% des efforts et du temps sont consacrés aux questions des rituels religieux lors du montage et de l'exécution du produit Omra, une raison suffisante pour que 90% des prérogatives passent à d'autres secteurs et que la préparation se fasse entre acteurs économiques. Une source proche d'Air Algérie précise que “le problème est passager et sera réglé avec le redressement de la situation globale de la société entamé par une direction qui est en train de gérer une crise héritée du passé”. “Faux, répondent des agents de voyages qui avancent des cas où le pavillon national joue en solo”. “Pour des erreurs relatives aux transcriptions sur les visas, Air Algérie refuse de changer les billets, donc sans aucun manque à gagner pour elle. Par contre, ce sont des pertes sèches pour nous qui devons payer des titres de voyage annulés. Il y a une volonté quelque part de créer un divorce entre la compagnie nationale et le secteur du tourisme”, précise un responsable d'une agence installée à Constantine. “Nous avons soumis à temps des propositions à Air Algérie pour gérer cette crise, mais elle ne les a pas pris en considération comme si on nous poussait à aller vers d'autres opérateurs”, continue notre interlocuteur. Avec cet énième problème, c'est toute la problématique du tourisme religieux qui est posée. La solution ne se trouve ni chez Air Algérie ni chez les agents de voyages et encore moins au consulat saoudien. L'ensemble est victime d'une approche administrative dépassée. Lynda Nacer