Dans une étude récente, la Gendarmerie nationale “tire la sonnette d'alarme”, selon la formule consacrée, sur la délinquance sexuelle. Celle-ci aurait pris des proportions inquiétantes, ces dernières années. Et il n'était question, dans l'étude, que des cas traités par la gendarmerie ! Il était prévisible que la violence sexiste, largement tolérée par la société et les institutions, se transforme, dans certaines circonstances en violence sexuelle. L'insolence, l'intimidation et l'agression verbale sont le lot courant des femmes sur la voie publique. Elles sont souvent la décharge sans défense des déboires masculins. Ce n'est pas un hasard si, comme le note le rapport, les agresseurs se comptent d'abord parmi les chômeurs. Cette masse de jeunes oisifs surtout représente la forme d'échec social absolu. La gendarmerie tente de trouver, dans “l'invasion culturelle” qui nous frapperait par le biais d'Internet et des chaînes satellitaires, les raisons profondes de cette délinquance. Nous serions donc originellement une société d'ascètes dont la moralité serait pervertie par la production “culturelle” hégémonique de sociétés de jouisseurs. Il est d'ailleurs fort probable que la criminalité sexuelle, pédophile et incestueuse soit antérieure à la connexion électronique du pays ou à l'introduction de la parabole. Le discours intégriste, qui a pignon sur rue, et qui est officiellement homologué comme discours du sage, est probablement la première source de cette dérive qui a transformé un machisme culturel archaïque en état de guerre sexuelle. Quand on traite à longueur de serment la femme de “chitane” et l'homme de victime de ses sournoises avances, ce dernier risque de comprendre qu'il est en droit de se faire justice en l'agressant. Le “zaouadj el mout'a”, espèce de droit de jouissance que le “guerrier” a sur la femme “butin”, fut un des arguments de recrutement des groupes terroristes. La voilà “ennemie”, “butin” et “proie” à la fois ! Paradoxalement, c'est par bigoterie qu'on a refusé de considérer la relation entre la frustration sexuelle imposée à la jeunesse et le succès de l'entreprise terroriste. Le premier allié du terrorisme, c'est notre tartufferie. Le même bigotisme avait marqué les débats sur le sida : même des médecins, n'osant pas appeler publiquement à l'usage du préservatif, nous rassuraient, sans rire, sur notre immunité garantie par nos mœurs faits de fidélité conjugale. Heureusement qu'en même temps le commerce était florissant. En interdisant progressivement les maisons closes, on a lâché l'instinct dans la nature, comme on lâche un danger. La prostitution informelle s'en est emparée. Le commerce du sexe et l'amour clandestin sont tolérés dans les “5 étoiles” et traqués dans les fourrés. Traduction institutionnelle et sociale du discours hypocrite sur les mœurs et la morale, totalement orienté contre la réalité humaine et culturelle de l'Algérien. À force de botter en touche quand il s'agit de méditer nos dérives, on continuera à payer par la violence ce réflexe retors qui consiste à “cacher ce sein qu'on ne saurait voir” et ne pas regarder les vraies raisons du malheur. M. H. [email protected]