Le chef de la diplomatie américaine, de retour dans la région après treize années d'absence, semble décidé à forcer la main à Israël et à la Palestine pour une reprise rapide des négociations et l'application des dispositions du document du quartette. Colin Powell fait preuve d'un optimisme sidérant quant à l'aboutissement de la “feuille de route”, dont le contenu vise à régler définitivement la crise israélo-palestinienne. Il somme les Israéliens et les Palestiniens à appliquer rapidement les dispositions de ce document, tout en reconnaissant que “la feuille de route est controversée”, et contient “des éléments qu'une partie ou l'autre peuvent ne pas aimer”. Néanmoins, le secrétaire d'Etat US aux affaires étrangères insiste pour sa mise en œuvre rapide en déclarant : “Nous devons commencer. Les gens peuvent la commenter tandis que nous avançons. Ne laissons pas les commentaires nous arrêter. Mettons-nous au travail.” Il propose même de recourir à un compromis concernant l'épineuse question du droit au retour des réfugiés palestiniens plus tard pour ne pas bloquer le processus de paix. “Les deux parties doivent s'en occuper le moment venu”, a-t-il dit à ce sujet, avant d'ajouter que l'Etat hébreu ne doit pas passer sur le droit au retour revendiqué par les Palestiniens ayant fui Israël à sa création en 1948 et par leurs descendants. Mais reste à savoir si les Palestiniens l'entendront de cette oreille, eux qui ne semblent point disposés à faire des concessions sur cette question à l'image de leur nouveau chef du gouvernement. Abou Mazen a, en effet, exclu tout abandon de ce droit. Ce point constituera certainement la pomme de discorde entre les deux parties. Les Palestiniens espèrent tout de même que la visite de Colin Powell soit “le prélude à un rôle américain efficace dans la mise en application de la feuille de route, sans conditions ni tergiversations”. Le diplomate américain semble pressé d'entamer l'opération car, selon lui, “il y a suffisamment d'accords sur la feuille de route pour que nous puissions démarrer”. Il attend beaucoup du chef du gouvernement palestinien, qui “commence à faire de bonnes déclarations en ce qui concerne le terrorisme et la violence”, d'après lui. Powell assure que Sharon fait lui aussi preuve de coopération. D'ailleurs pour montrer sa “bonne foi”, Tel-Aviv a décidé de lever le bouclage imposé aux territoires palestiniens autonomes dans la bande de Gaza et de Cisjordanie. Il y a lieu de s'interroger toutefois sur la décision d'Ariel Sharon de ne soumettre au vote de ses ministres “la feuille de route” qu'après la visite de Powell dans la région et celle qu'il effectuera lui-même à Washington le 20 mai prochain, bien qu'il ait annoncé l'avoir acceptée dans son " “principe”. Colin Powell a mis en application la décision américaine de boycotter Yasser Arafat en refusant de le rencontrer au cours de ce périple. En signe de protestation contre cette attitude, les commerçants de Ramallah, où se trouve le siège du Président de l'Autorité palestinienne, ont observé hier une grève de la faim, à l'appel d'activistes du Fatah. Le secrétaire d'Etat américain a carrément refusé de se rendre à Ramallah, d'où le transfert du lieu de sa rencontre avec Abou Mazen à Jéricho. Maintenant, il faut attendre pour voir quelles seront les conséquences du boycott américain de Yasser Arafat sur le processus de paix, vu le rôle clé joué par le leader de l'OLP dans les négociations entre les deux parties jusque-là. K. A.