Les émeutes de la faim se sont abattues sur de nombreux pays et le risque de leur propagation n'est pas écarté. L'Egypte, la Mauritanie, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Maroc ont été le théâtre de violentes manifestations contre la vie chère, et les mesures d'urgence arrêtées par leurs gouvernements respectifs sont loin de constituer des solutions définitives. La Conférence de l'Onu sur le commerce et le développement (Cnuced) se réunit depuis hier à Accra pour examiner, entre autres, le paradoxe africain. La croissance n'a jamais été aussi forte dans le continent, qui n'est jamais autant menacé par la flambée mondiale des prix alimentaires et de l'énergie. Le soutien des prix de produits de large consommation butera, selon les économistes, contre les capacités financières de ces pays. Tout au plus, si la spirale de l'envolée des prix de produits alimentaires se poursuit, ce qui est certain, la question se reposera d'ici trois à cinq mois. Dans la crise financière mondiale, l'Afrique reste le continent le moins protégé, c'est le maillon faible de l'économie mondialisée. En outre, l'Afrique est également frappée de plein fouet par l'explosion des cours du pétrole. Le secrétaire général de la Cnuced, le Thaïlandais Supachai Panitchpakdi, avait averti dès la mi-mars : la session d'Accra intervient à un moment où le monde est dans une période d'incertitude et où les craintes de récession sont crédibles. Pendant cinq jours, les 193 pays membres vont se pencher sur les divers impacts économiques de la mondialisation, dont la pauvreté. Il s'agit de tirer leçon de la mondialisation imposée au pas de charge et de comprendre pourquoi certains pays bénéficient de l'économie globale et d'autres pas. Si les ratages sont dus à des paramètres endogènes, dont la mauvaise gouvernance, les systèmes monétaire et financiers internationaux ont également leur grande part dans les crises qui frappent les plus faibles. En incitant, au nom du commerce international, des pays à abandonner leurs productions vivrières pour des produits nécessaires à la compétition mondiale, les tenants de l'économie et des Bourses financières les ont précipités dans la crise alimentaire. La question est : la Cnuced est-elle en mesure d'imposer d'autres alternatives aux lois du Down Jones et du CAC 40 ? Ou se contentera-t-elle de simples mises en garde sur la fragilité des perspectives de croissance pour les pays en développement ? Ce que le FMI et la Banque mondiale ont fait ces dernières semaines pour l'Afrique notamment. Si la mondialisation a aidé à réduire les inégalités dans les pays africains, davantage doit être fait pour permettre à tous les segments de la population de profiter de la forte croissance de la région, estimait ainsi le Fonds monétaire international dans son dernier rapport semestriel. Il y a quelques jours, la Banque mondiale a mis en garde sur le risque de voir la croissance actuelle de 5,8% de l'Afrique cassée par cette flambée mondiale des prix des denrées alimentaires et de l'énergie. En réalité et pour rester dans l'exemple africain, la croissance africaine n'a pas encore atteint le seuil capable de réduire la pauvreté, et tout choc extérieur est de nature à briser cette trajectoire de croissance, comme avait averti la vice-présidente de la Banque mondiale pour le continent, la Nigériane Obiageli Ezekwesili. Quid alors de la réduction de moitié de la pauvreté en Afrique d'ici 2015 prévue par les Objectifs de développement du Millénaire de l'ONU ? Cette ambition va certainement être retardée d'une décennie par la hausse des prix alimentaires. C'est également dans un contexte de course effrénée aux pétrole et au gaz que la Cnuced va étudier l'impact des besoins énergétiques croissants de l'Asie. Son SG caresse le vœu de mettre “des rênes” à la mondialisation pour élever le niveau de vie, réduire la pauvreté et assurer un développement durable ! En réalité, la mondialisation n'aura fait qu'aggraver les termes de l'échange inégal entre le Nord et le Sud. Les pays du G8 ont réaffirmé, le 6 avril à Tokyo, leur engagement à augmenter leur aide aux pays pauvres, mais l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en doute : en 2007, l'aide au développement octroyée par 22 pays riches aux pays pauvres aurait baissé de 8,4%. La réunion d'Accra se déroule alors que les négociations du cycle de Doha de l'Organisation mondiale du commerce sont toujours bloquées, en raison d'un affrontement Nord-Sud à propos justement du commerce des produits agricoles. D. Bouatta