Si l'Etat n'est pas vigilant, les transferts de bénéfices vers l'étranger pourront atteindre 50 à 60 milliards de dollars annuellement. “L'économie algérienne risque de connaître un grand problème, les dix prochaines années”, alerte M. Abdelhak Lamiri, docteur en sciences de gestion et P-DG de l'Insim, lors d'un séminaire sur “les réformes financières et transition” organisé, hier, par la confédération des cadres de la comptabilité et de la finance à la salle de conférences du Cnis, douanes. “Probablement, nous avons 80% de chance, de connaître la crise qui avait secoué les pays asiatiques, de type algérien : la crise des dividendes”, prévient M. Lamiri. Le président-directeur général de l'Insim explique que dans le contexte de privatisation “qui n'est pas très transparent, les entreprises internationales sont avantagées”. Le gouvernement fait appel à l'investissement international, sans faire attention, à quelque chose de très important, sur lequel la Chine et l'Inde sont intraitables, “le budget devise”. “En d'autres termes, l'entreprise étrangère qui investit en Algérie doit indiquer le niveau des dividendes qui sortent et les niveaux d'exportations prévues. Si les recettes tirées des exportations sont supérieures aux dividendes transférés c'est une bonne chose”, explique M. Abdelhak Lamiri. “En 2007 ce sont des milliards de dollars de dividendes qui ont été transférés. Dans dix ans, si l'Algérie continue à n'attirer que des investissements spéculatifs, ce seront 50 à 60 milliards de dollars de dividendes qui risquent de sortir, soit l'équivalent des recettes pétrolières”, s'inquiète le P-DG de l'Insim. “C'est maintenant qu'il faut être vigilant, en examinant les budgets de devise de chaque investissement”, suggère-t-il. “Alors 80 milliards de dollars de réserves de change sont placés aux Etats-Unis et ramènent seulement 2%. Les investissements spéculatifs en Algérie transfèrent 30% des bénéfices”, se désole le P-DG de l'Insim. Evoquant le secteur financier, le professeur Lamiri souligne l'absence de stratégie et de vision globale qui font que la réforme “va dans n'importe quelle direction”. Le poid du secteur est trop important, il tourne autour de 90% des dépôts, relève le P-DG de l'Insim. “Partout où le secteur public est grand, les crédits ont été orientés politiquement vers les grosses entreprises publiques déstructurées qui ne remboursent jamais”, explique M. Lamiri. “Par ailleurs, beaucoup de lobbys d'importations se forment et les ressources leur seront allouées par téléphone”, ajoute-t-il. Abdelhak Lamiri parle de problème de management, de manque d'innovation et d'absence de statistique fiable. “Les banques disent qu'elles orientent 55% des financements au secteur privé, le ministère des Finances annonce 85% et la Banque mondiale relève 15%. On se perd. Nous avons le même problème avec le taux de chômage”, regrette-t-il. “Ce qui est certain c'est que le financement est insuffisant”, souligne-t-il. Au-delà du diagnostic sévère, M. Lamiri propose des pistes de réflexion. “Un Etat doit disposer d'un secteur bancaire public”, dit-il. Cependant, ce secteur public ne doit financer que les activités considérées stratégiques. Il ne doit pas financer l'importation. “Je ne comprends pas pourquoi en Algérie, contrairement à la Tunisie, nous avons un secteur bancaire public qui finance l'importation”, s'interroge-t-il. Par ailleurs, l'Etat doit recapitaliser les banques. Actuellement, la capitalisation bancaire en Algérie est très faible. “Nous avons 3,5 milliards de dollars de fonds propres des banques. C'est trop insuffisant surtout si on veut financer de gros projets d'investissement.” M. R.